En route, mauvaise troupe !

L'été caniculaire ayant reconstitué votre stock de vitamine D, vous pouvez enfin vous refaire une pâleur dans les salles. Allez-y en bande : c'est dans l'air du temps…


Pendant notre absence, nous n'étions logiquement pas là. Mais, à en croire les calamiteux chiffres de la fréquentation stéphanoise estivale (-4%), vous non plus ; il n'y avait donc quasi personne dans les salles. C'est en masse que vous allez donc reprendre le chemin des cinémas pour infléchir la courbe des entrées. Et justement, les histoires de groupes ont le vent en poupe. 

La solitude, ça n'existe pas

Poursuivant son examen du monde médical, Thomas Lilti s'attaque dans Première année (12 septembre) à la situation des étudiants bûchant comme des malades leur PACES — première année commune aux études de santé. Une comédie acide où il est question d'inégalités sociales,   de reproduction des élites, de rivalité, de paranoïa, de Vincent Lacoste et de William Lebghil. S'il ne doit en rester qu'un, on prendra les deux ex-aequo malgré le numerus clausus.

Le Lyonnais Mehdi Senoussi s'est lui coupé en deux pour diriger et interpréter son long métrage Vaurien (même date), polar dans lequel un diplômé lassé d'être discriminé à l'embauche prend en otage l'agence Pôle Emploi de Vénissieux. La sincérité du propos et le huis clos souffrent hélas d'une réalisation incertaine ainsi que d'un délayage tristounet, certes un peu racheté par la fin. Il a, en tout cas, su fédérer pas mal de beau monde : Romane Bohringer, Carlo Brandt, Pascal Elbé… Comme le syndrome de Stockholm contaminant ses personnages.

La réunion fait la force

Certains gouvernants redoutent (et interdisent) les rassemblements de plus d'une personne. Il est vrai que des cohortes de deux individus peuvent se révéler redoutables. Tels Les Frères Sisters, (19 septembre) héros de Jacques Audiard. Toujours escorté par son partenaire et coscénariste Thomas Bidegain, le réalisateur conte le destin de deux frangins chasseurs de primes contaminés par la fièvre de l'or. Porté par l'inattendue fratrie John C. Reilly/Joaquin Phoenix — à l'œil puant le vice et la perversité — ce néo western-pépite empli de poudre, de sang et de traumas vaut le six-coups.

Échappées du corral voisin, les vaches du Quatuor à cornes (12 septembre) de Benjamin Botella, Emmanuelle Gorgiard & Pascale Hecquet sont deux fois moins nombreuses mais tout aussi remuantes dans le programme d'animation inspiré des albums d'Yves Cotten. Composé de trois courts métrages ayant la très originale particularité d'épouser des formes stylistiques très différentes (stop motion, animation 2D…), il met en scène quatre copines aux prises avec notamment de désopilant moutons, un musculeux taureau ou une congénère shetland. Qui dit meuh pour les 3 ans et plus ?

Foule au roi par les armes

On change d'échelle avec un de ces documentaires estampillés BBC vantant la beauté de la planète et offrant une collection d'instantanés sauvages de la flore et de la faune : Un nouveau jour sur terre, (5 septembre) de Peter Webber, Richard Dale & Lixin Fan. Une authentique arche de Noé avec d'amusants partis-pris de réalisation, malheureusement polluée par un omniprésent commentaire lyrico-émerveillé assuré par le pauvre Lambert Wilson, enfilant les superlatifs définitifs comme des perles. Une solution : regarder ce zoo in vivo les yeux fermés.

La Nature ayant horreur du vide, rien de tel que de bonnes foules poussées par la nécessité pour conclure ce panorama. Dans Libre (26 septembre), le documentariste Michel Toesca a suivi des mois durant le quotidien de Cédric Herrou. Cet agriculteur de la vallée de la Roya à la frontière franco-italienne, qui a recueilli, protégé et nourri les réfugiés arrivés dans son jardin, s'est vu reprocher sa solidarité et son humanisme par les tribunaux. Pourtant, comme le montre le film, Herrou ne s'est pas démonté et a poursuivi ce que sa conscience citoyenne (et la Loi) lui recommandait de faire, en dépit des tracasseries judiciaires ou des intimidations policières. Quand le peuple est à bout, il se lève contre son tyran. Pierre Schoeller semble multiplier les résonances entre 1789 et 2018 dans Un Peuple et son roi (19 septembre), épopée à hauteur d'Histoire et de personnages qui semble fusionner L'Exercice de l'État et Versailles. Le projet est un peu bancal, mais la distribution hallucinante et le projet terriblement d'actualité. Alors, ça ira, ça ira…


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Sa mouette, son ours et ses trois sœurs