Laissez les gosses à la maison

Après Shakespeare, Thomas Jolly transporte cette fois-ci les amoureux des grands auteurs dans l'Antiquité romaine avec Thyeste.


En montant Thyeste de Sénèque, le chouchou du théâtre public s'attaque à la pire tragédie de l'auteur. La plus dure, la plus glaçante. Préparez-vous à laisser l'effroi vous envelopper… Alors qu'Atrée - interprété par Jolly himself - règne paisiblement sur Mycènes, Thyeste, son frère jumeau, séduit sa femme, lui dérobe le pouvoir, et pose ainsi sans le savoir la première pierre de son destin ô combien tragique. Evincé, Atrée nourrit sa vengeance. Après avoir récupéré le trône grâce à l'intervention de Jupiter, ce dernier feint la réconciliation et convie son jumeau à un banquet… Avant de lui servir ses propres enfants à dîner.

Dans Thyeste, l'horreur s'installe à mesure qu'Atrée se transforme en monstre. D'une rare sauvagerie, la pièce met en scène les pires ignominies. Celles que l'on voudrait ne jamais voir ni entendre. Celles que l'âme humaine est incapable d'accepter. Infanticide et cannibalisme ne sont-ils pas tout ce que l'on voudrait pouvoir rejeter hors de l'humanité ? C'est bien là, pourtant, que l'histoire nous mène. Chaque homme n'a-t-il pas en lui un instinct animal, une part d'inhumain en sommeil qui, s'ils devaient s'éveiller, pourraient conduire aux pires atrocités ?

Texte sans ride

Ainsi pourrait d'ailleurs se résumer tout le génie de Thomas Jolly. Avec cette tragédie antique, ce dernier démontre que, quel que soit leur âge, les textes ont toujours quelque chose à raconter au sujet de l'Homme, dans sa continuité à travers les siècles. Longs monologues, vers déclamés, solennité du genre… Du grand " théÂÂÂtre ", à n'en pas douter. Mais Jolly embarque aussi l'histoire dans un ailleurs intemporel, où l'on rappe, où l'on porte un costume jaune moutarde, où l'on déclame sur fond de musique électro. Alors qu'il revendique un théâtre populaire, un " théâtre de la relation ", le metteur en scène signe un Thyeste au parfum de Starmania. Une brutale tragédie cyberpunk, à ne pas manquer. (Mais mieux vaut laisser les enfants sur le canapé.)

Thyeste, du 16 au 19 octobre à 20 heures à la Comédie de Saint-Étienne


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