Maréchal, la-voilà

Zabou Breitman est à l'affiche de La Compagnie des Spectres, pièce qu'elle a elle-même adaptée du roman de Lydie Salvayre, dont elle signe la mise en scène et tous les rôles. Une prouesse.


« Un appel du texte à le jouer ». La Compagnie des Spectres, c'est l'histoire d'une mère et de sa fille qui vivent recluses dans un petit appartement. La première, Rose, habite simultanément le présent et le passé. Les peurs et la révolte de la guerre, la mort de son frère adoré tué en 1943 par deux miliciens analphabètes, en même temps que son petit deux pièces de Créteil et son existence miséreuse. La seconde, Louisiane, est elle-même vampirisée par les souvenirs de sa mère, craint les hommes et s'empiffre de feuilletons télévisés à l'eau de rose. Lorsqu'un huissier de justice chargé de procéder à l'inventaire de leurs biens avant saisie débarque dans leurs vies, il ravive sans le vouloir les affreux souvenirs du passé, devenant bien malgré lui l'interlocuteur de deux femmes hantées par les spectres de l'Histoire.

Lorsqu'elle tombe sur le bouquin de Lydie Salvayre au début des années 2000, Zabou Breitman « le dévore » littéralement : « Tout de suite, j'ai eu envie d'en faire une adaptation théâtrale, parce qu'il s'agit d'un roman qui se situe pile poil à l'endroit de la scène, il y a toujours un "je" quelque part », raconte la principale intéressée de sa voix enjouée.

Une extraordinaire performance

Huit ans plus tard, Zabou se lance enfin dans l'aventure. Elle adapte le texte, signe la mise en scène et endosse les trois rôles, à elle toute seule. « Bien sûr, c'est un travail harassant. Au départ, je devais travailler avec deux directeurs d'acteurs, mais ils n'ont pas pu rester sur le projet. Je voulais être dirigée, j'avais besoin d'être dirigée. Quand on n'a pas de guide, c'est un véritable saut dans le vide, c'est totalement vertigineux. Ceci étant, je joue ce spectacle depuis maintenant huit ans, et, à force, je crois que j'arrive à entendre ce que le public entend, et ça, ça m'aiguille un peu », souffle-t-elle.

Malgré son vertige et son absence de guide, Zabou Breitman se distingue pourtant par son extraordinaire performance. Unanimement salué par la critique, ce spectacle aussi drôle que poignant l'est aussi par le public, qui semble ne pas s'en lasser : « À Paris, des gens m'avouent être venus le voir trois, quatre, cinq fois. Jamais je n'avais vécu quelque chose d'aussi fort avec les spectateurs. On partage vraiment quelque chose, à la fin, c'est comme si on était parti dans le maquis ensemble. »

La Compagnie des Spectres, le 25 novembre à 15 heures au Centre Culturel de La Ricamarie


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