Lonepsi : « L'élocution est importante pour moi »

Lonepsi fait partie de la nouvelle génération de rappeurs de langue française au talent immense. Ciselés, ses textes sont imprégnés d'introspection, de références littéraires et de poésie. Avant de délivrer un premier concert en terres stéphanoises, au Fil ce vendredi 16 novembre, il nous livre quelques clés de lecture de son travail et de sa personnalité. 


Tu as été découvert grâce à Internet. Qu'est-ce-que cela évoque pour toi ? Sans ce média, penses-tu que tu aurais pu arriver au point où tu en es aujourd'hui ?
Lonepsi :
Je suis sûr et certain que non. Sans Internet, j'aurais peut-être fait exactement la même musique mais je serais resté dans ma chambre. De plus, j'ai tellement peu d'audace que je n'aurais pas toqué aux portes des maisons de disques ou encore moins fait de l'affichage dans la rue... Ma musique serait restée pour mes proches mes amis ou mes voisins.

On te met souvent dans la catégorie "rap" mais il t'arrive par exemple de faire des chansons en piano/voix. Tu es à la croisée des styles. Est-ce que cela te gêne d'être catégorisé en rap ?
Comme mon univers musical est né par le rap, ça ne me dérange absolument pas. La case rap est en train de s'élargir énormément et de piocher dans les codes de la variété, du r'n'b pour en faire quelque chose de tout nouveau. Du coup, cela me dérange encore moins. Si l'on observe mes concerts et mes réseaux sociaux, on peut s'apercevoir que je suis capable d'interpréter un texte seulement avec un piano ou une guitare. Et dire que cela n'est pas de la variété française serait mentir quelque part... Alors, oui, j'emprunte à tous les styles musicaux qui m'inspirent afin de proposer un univers qui j'espère me correspond le plus.

Lors d'une interview avec Mrik donnée dans un parc parisien, ce dernier avait expliqué que tu étais un rappeur avec une élocution très audible ce qui n'est pas le cas de tous les rappeurs. Est-ce une volonté de ta part d'être compris très facilement ?
Même moi, j'y ai réfléchi à cette question après cette interview. L'élocution est importante pour moi. Si on s'arrête non seulement à ma musique mais également à ma manière de parler au quotidien, c'est vrai que j'ai tendance à toujours bien articuler mes phrases, mes mots et à faire résonner chaque consonne et voyelle afin que celle ou celui qui est en face de moi me comprenne bien. Je ne sais pas vraiment d'où me vient ce besoin de me faire comprendre. Peut-être que c'est parce que mes deux parents ont un accent très fort. Quand j'étais plus petit, pour comprendre ce qu'ils me disaient, surtout mon père, je devais retourner la phrase trois fois dans ma tête. Non pas qu'ils s'exprimaient mal mais que chaque mot que mon père employait était dit avec un accent terrible. Peut-être que je voulais ne pas faire subir ça à ceux qui m'écoutent.

D'où sont originaires tes parents ?
Ils sont originaires tous les deux d'Argentine. J'ai toujours un lien très fort avec ce pays. En France, je n'ai que mes parents et mon frère. Le reste de ma famille vit là-bas et j'y suis allé de nombreuses fois.

Grâce à Internet, est-ce que ta musique a résonné jusqu'en Argentine ?
Non, pas encore. Mis à part mes proches et la centaine de vues qui proviennent d'Argentine, il n'y a pas eu de résonance particulière. Mais j'adorerais que cela arrive et pouvoir faire des concerts là-bas.

Ton pseudo Lonepsi provient de la lettre grecque Epsilon. Pourquoi avoir fait ce choix ?
C'est un choix assez naturel, sans réelle réflexion. Avec deux amis, nous avions trouvé que ce qui nous correspondait le mieux était un triangle équilatéral. Nous avions choisi comme nom de groupe Delta. Puis lorsque nous avions voulu affirmer notre identité propre au sein du groupe, nous avons encore piocher dans l'alphabet grec et j'ai choisi Epsilon. J'ai découvert par la suite quelques significations que l'on peut rapprocher à mon univers, mais j'aimais bien le chiffre cinq et Epsilon est la cinquième lettre de l'alphabet. En la renversant, je voulais rendre ce pseudo plus authentique.

La mythologie grecque t'a fortement influencé également ?
Oui, tout à fait. Pas forcément dans mon projet mais chaque symbole de la myhtologie grecque, la lecture d'Homère... m'ont renversé. En mai dernier, j'ai sorti le projet Kaïros, faisant référence au dieu grec du temps qualitatif, pas la succession d'intervalles réguliers mais davantage aux moments à saisir. Quand je suis en panne d'inspiration, je me plonge dans la mythologie grecque.

Tu as également un lien fort avec la littérature, avec Baudelaire notamment dans l'intro de ton album. Qu'est-ce que tu apprécies dans cet art ?
J'ai mes périodes. En ce moment, les poèmes de Baudelaire, Eluard, Aragon, Appolinaire... m'accompagnent. Bien qu'ils soient vieux, ils restent intemporels et me parlent énormément. Ils sont très actuels sur la forme et leur rythmes mais également sur le fond avec des thèmes universels et intemporels. Mais je suis entré dans la littérature par un roman qui s'appelle Siddhartha écrit par Herman Hesse et qui n'avait rien à voir avec les poèmes mais dont l'histoire du protagoniste m'a beaucoup parlé à l'époque. Je me suis rendu compte que les livres n'étaient pas seulement des devoirs scolaires mais pouvaient nous apporter d'autres points de vues et même une manière de nous éduquer.

Les thématiques que l'on retrouve dans ton album Sans dire adieu correspondent à l'absence et au manque. Pourquoi une telle orientation ?
Flaubert dit que l'on ne choisit pas ses sujets, on les subit. Il n'y a aucune volonté a priori lorsque j'écris, de parler de telle ou de telle chose. Je suis devant ma feuille et le sujet me vient puis je le développe au maximum. Cela dit, je me suis rendu compte, au bout du troisième titre, que je parlais sans cesse de choses et de personnes que j'avais perdus. Au départ, je pensais appeler ce projet seulement Adieu. En avançant dans le processus d'écriture, j'ai du me mettre au plus près de ces amis, amours et choses que j'ai perdus. Et ces derniers ne m'ont en fait jamais quittés réellement. J'ai donc modifié le titre pour changer le sens.


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