Sophie Thibeault : « On veut que le public réfléchisse à la valeur d'une pièce de théâtre »

La Comédie de Saint-Étienne accueille cette semaine une pièce inédite dans sa forme. Le Noshow, initité par le Collectif Nous Sommes Ici et le Théâtre DuBunker, tout droit venus de la Belle Province québécoise, met le spectateur en face de la réalité de la vie des acteurs. Cela passe notamment par le choix du prix qu'il est prêt à mettre pour voir le spectacle. Quelques précisions avec Sophie Thibeault, une des comédiennes.


Depuis combien de temps tournez-vous avec le spectacle Noshow ?
Nous l'avons créé il y a 8 ans. C'est notre cinquième tournée en France et la première fois que nous jouons à Saint-Étienne. Nous avions joué au Théâtre de la Croix Rousse à Lyon en mars 2017.

C'est une pièce qui essaie de faire réagir sur la condition des artistes, notamment au Québec mais pas seulement ?
Au Québec, nous n'avons pas le statut d'intermittent du spectacle. Au début, quand nous avons créé le projet, jamais nous n'avons pensé que nous aurions la chance de venir jouer en France, de pouvoir présenter ce spectacle hors de notre petite province. Nous voulions alors parler de la condition des artistes et de l'art au Québec. Évidemment, de plus en plus, les gouvernements ne le mettent pas dans leurs priorités. On voulait parler de notre difficulté à créer un spectacle. Initialement, nous voulions monter un grand happening avec deux compagnies, à Montréal et Québec, obtenir de l'aide des deux gouvernements... Finalement, nous n'avons obtenu aucune aide financière ni subvention. Nous avons du changer entièrement notre manière de penser et de faire ce spectacle. C'est de là qu'est né Le Noshow et de parler de ce que nous vivions alors. Quand nous venons en France, les gens ne savent pas forcément qu'il n'existe pas l'intermittence au Québec, mais nous nous rejoignons sur de nombreux points. Autant les artistes que le public français que nous croisons apprennent sur notre situation mais voient qu'il y a des similitudes entre nous.

Depuis la création du Noshow, comment a évolué la situation des artistes au Québec ?
Je dirais que c'est stagnant. On a tous différents projets, en solo, et certaines années sont meilleures que d'autres. Mais notre statut reste en permanence précaire, on ne sait jamais comment ça va se passer. Avec les tournées, nous avons de l'aide financière et c'est ce qui nous permet de jouer hors du Québec. Il est presque désormais plus facile de jouer Le Noshow en dehors du Québec que de faire une nouvelle tournée là-bas. C'est un peu paradoxal...

La forme du spectacle est éclatée. On veut mettre le public dans une position active. Une heure avant le spectacle, nous sommes dans le hall et nous accueillons les spectateurs. [...] Le spectacle a alors déjà commencé.

Pour revenir sur le spectacle en lui-même, vous essayez de faire participer les spectateurs et de les responsabiliser, notamment à travers le choix parmi divers tarifs proposés et leurs correspondances avec d'autres propositions telles qu'un dîner, un spa/massage ou une place de match ?
La forme du spectacle est éclatée. On veut mettre le public dans une position active. Une heure avant le spectacle, nous sommes dans le hall et nous accueillons les spectateurs. Nous leur expliquons la démarche du choix du tarif, avec un bon de commande, on les envoie dans un isoloir... On les prévient aussi que Le Noshow a déjà commencé. On leur propose aussi des hot dogs à la vente et ils doivent, là aussi, choisir combien ils vont mettre pour se le procurer. Par là, on veut qu'ils réfléchissent à la valeur d'une pièce de théâtre.

Comment sont les réactions du public ?
Nous avons différentes réactions. Certaines personnes sont déjà au courant du système en ayant pris leurs billets en avance sur internet. D'autres ne savent rien car notre public vient très souvent grâce au bouche-à-oreille. Parfois, nous avons même des personnes qui possèdent leur billet et qui pensent savoir où ils doivent aller et peuvent nous ignorer. Mais après, elles se rendent compte qu'elles sont obligées de venir nous parler pour qu'on leur explique.

Le public québécois est-il différent du public français ?
Je dirais que les réactions sont les mêmes. Au Québec, il y a beaucoup de gens qui ne savent pas comment nous devons faire pour gagner notre pain. Ils regardent la télévision et pensent qu'un acteur gagne très bien sa vie... On essaie de les amener à découvrir de la réalité du métier d'acteur. En France, c'est à peu près la même affaire. Excepté, que lorsqu'on est en France, on a l'impression que les gens nous aiment déjà, souvent à cause de notre accent... Mais, pour nous, ce sont les Français qui ont un accent. (rires)

Le Noshow, jusqu'à vendredi 7 décembre, à 20h à La Comédie de Saint-Étienne


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