Les derniers seront les premiers

Avec "J'ai pris mon père sur les épaules", Melquiot et Meunier redonnent de l'éclat aux oubliés.


C'est un périple aussi désespéré que drôle. Une quête. Une remise à zéro. Librement inspiré de L'Enéïde de Virgile, J'ai pris mon père sur les épaules met en scène le voyage d'un homme mourant de son cancer vers le Portugal, depuis une cité de banlieue stéphanoise. Accompagné de son fils, il trace ainsi la route de son exil, surmontant les épreuves qui se dressent devant eux. Une échappée vers l'inconnue…. Vers la fin de vie, mais aussi vers une paix intérieure à retrouver avant qu'il ne soit trop tard. Nous sommes en 2015, à l'aube des attentats du Bataclan, au moment où le grand drame national vient se mêler aux petits drames du quotidien. Au moment où tout vacille et où il faut malgré tout garder suffisamment d'équilibre pour continuer.

Une fresque contemporaine

Cette pièce, le metteur en scène et directeur de la Comédie de Saint-Etienne, Arnaud Meunier, l'a commandée à Fabrice Melquiot, l'un des auteurs français les plus joués dans le monde. Une envie de parler de la France d'aujourd'hui, sous la forme d'une grande fresque contemporaine qui tournerait en dérision l'absurdité de notre époque, le repli, les peurs, la tentation du chacun pour soi. Dans ce spectacle, différentes générations d'acteurs –et pas des moindres- se donnent la réplique tandis qu'un mythe fondateur dialogue avec notre âpre réalité. Ensemble, Meunier et Melquiot font ainsi voler en éclats les stériles et vains débats sur l'identité, en même temps qu'ils braquent un projecteur sur les oubliés et les vaincus.

Remarquable troupe d'acteurs

A ces questions, soulevées ici avec humour et brio, l'auteur apporte des réponses lumineuses. On ne s'appesantit pas. Pas de pitié ni de condescendance. On rebondit, on avance, toujours, dans d'immenses pulsions de vie. On s'invente, on se réinvente. Sa propre culture et ses propres origines sont bientôt dépassées, pour filer tout droit sur la route d'une humanité redécouverte.

Pour cette pièce chorale, Meunier s'entoure d'une remarquable troupe d'acteurs. Rachida Brakni, Philippe Torreton, Vincent Garanger, Maurin Ollès… Tous, campent des personnages dont les vies s'organisent un jour autour du destin de ce père, qui bientôt va mourir. Des dialogues ciselés, des comédiens étincelants, le récit d'aventures humaines. J'ai pris mon père sur les épaules, un bol d'air frais à aspirer très fort.

J'ai pris mon père sur les épaules, du 29 janvier au 1er février à 20 heures à la Comédie de Saint-Étienne


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