#BalanceTonVieuxPorc

Avec son "École des Femmes", Stéphane Braunschweig envoie valser les codes du théâtre classique, rappelant à quel point Molière est sans nul doute un génie intemporel.


« Le petit chat est mort ». Il est mort, mais est-ce bien là le plus grave pour la jeune Agnès ? Certainement non. Enfermée au couvent à l'âge de quatre ans par le vieil Arnolphe qui projette de l'épouser, elle est depuis lors élevée à l'écart du monde, éduquée selon les préceptes du vieux bougre « pour la rendre idiote autant qu'il se pourrait ». Devenue jeune femme, ignorant qu'elle est sur le point d'être unie à celui qu'elle considère comme un père, Agnès s'entiche d'Horace, volage, frivole et un brin idiot. Incestueux ? Grotesque ? Inquiétant, terrible, soutiendrait-on s'il ne s'agissait pas d'une fable imaginée par Molière il y a plus de trois siècles.

Mise en scène résolument moderne

Mais que dire de cette pièce, à l'aune de la lutte nouvelle pour les droits des femmes ? Que dire également de la mise en scène résolument moderne, imaginée par Stéphane Braunschweig, à qui l'on doit déjà d'excellents Tartuffe et Misanthrope ? Que l'une et l'autre rivalisent de justesse, voire d'intelligence. Qu'elles plongent le spectateur dans une fiction qui pourrait ne pas en être une. Qu'elles cachent sous des traits comiques des tragédies intimes, celle de la demoiselle manipulée comme celle du vieux cochon, qui vit la trouille au ventre, paralysé à l'idée d'être un jour trompé et ainsi poussé à se prémunir de tout le mal qu'une femme pourrait éventuellement lui faire, si jamais elle avait ne serait-ce qu'une once "d'esprit".

Ainsi chez Braunschweig, joue-t-on Molière en costume cravate. Chez Braunschweig, c'est debout sur un vélo elliptique, qu'Arnolphe conte ses mésaventures à son ami. Chez Braunschweig, le théâtre classique se mue, tombant presque dans l'oubli au profit d'une pièce résolument contemporaine. Pour incarner le mâle ridicule, le metteur en scène, aussi peu original que bien inspiré, choisit une nouvelle fois un Claude Duparfait irrésistiblement drôle, étincelant, troublant, avec qui il collabore depuis plus de 25 ans.

Alors finalement que dire ? Peut-être que s'il n'est plus grand chef-d'œuvre que celui qui brille par sa dimension visionnaire, L'Ecole des Femmes pourrait bien choper la Palme. Ou même, allons-y carrément, le Molière.

L'Ecole des Femmes, du 6 au 8 mars à 20 heures et le 9 à 17 heures à la Comédie de Saint-Étienne


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