Bandes à part

Contrairement aux plateformes vidéo destinées à un usage domestique souvent solitaire, le cinéma se partage — et en très grand format. Autant en profiter avec des films de troupes…


Mai équivaut à un supplice de Tantale pour l'amateur de cinéma : pendant dix jours, on lui distille des images de la quintessence d'une production mondiale dont l'écrasante majorité sera invisible jusqu'à l'automne ou l'hiver. Alors, pour tromper son attente, et pendant que la masse des Élus gravite autour de la Croisette, le commun du public pourra toujours faire foule dans les salles en allant voir des films de bandes, particulièrement représentées. 

Premier (et plus attendu) de ceux-ci, la suite de la “comédie générationnelle“ de Guillaume Canet Les Petits Mouchoirs, Nous finirons ensemble (1er mai) Même distribution (avec l'ajout bienvenu de Clémentine Baert et celui, hélas inutile, de José Garcia), même concept  (faire fermenter dans une résidence de nabab texan un groupe “d'amis“ aux égos hypertrophiés se mesurant la longueur du portefeuille pour savoir qui sera le nouveau mâle alpha de la cohorte), même succession de séquences culminant en crise, même longueurs et même succès à prévoir si le principe d'adoration des dominants est, comme toujours, vérifié.

L'équipe des Crevettes pailletées de Cédric Le Gallo & Maxime Govare (8 mai) a l'air d'être outsider, mais ne vous y trompez pas : le film a écumé tous les festivals pour capitaliser sur sa notoriété acquise lors de sa présentation à l'Alpe d'Huez en janvier. Et il pourrait également profiter d'une conjonction favorable “effet Grand Bain + message politiquement correct“. La raison ? Il raconte comment un nageur pro ayant lâché une insulte homophobe est contraint afin de redorer son image de qualifier pour les Gay Games une équipe de water-polo nullarde. Gags de vestiaires, gentils clichés, cœurs avec les doigts, disco, glitter… Ça coche toutes les cases et ça ne choquera personne à 20h30.

Restons dans un esprit œcuménique et les immersions pour Lourdes (même date), documentaire où Thierry Demaizière & Alban Teurlai suivent à la fois plusieurs pèlerins en quête d'un miracle et les hospitaliers — ces bénévoles qui les accueillent pendant une semaine dans la ville mariale. Las ! Tenant du catalogue de malheureux, leur film évoque un zapping permanent, aussi superficiel que complaisant, et omet de s'attacher aux aspects par trop dépréciatifs de l'industrie de la foi. Un parti-pris d'autant moins compréhensible que le tandem ose quelques (trop timides) plans montrant certains jeunes hospitaliers la tête ailleurs ou décompressant le soir en trinquant entre potes — images bienvenues les renvoyant à leur humanité.

Seuls contre tous

On oublie le message épiscopal de tolérance dans Tremblements (1er mai), où le troupeau se ligue contre la brebis : Jayro Bustamante montre une Église guatémaltèque se liguant contre un fidèle ayant fait son coming out. Les “bons chrétiens“ détruisent la vie familiale et professionnelle du “déviant“, non sans lui vendre une “thérapie“ pour le guérir. Terrifiant de cynisme obscurantiste, complété par une étouffante obscurité visuelle, achevé par un dénouement charbonneux. Peu d'espoir de voir le Guatemala aux Gay Games… 

Mêmes retournements du groupe contre l'un des siens dans le thriller Une part d'ombre de Samuel Tilman (22 mai) quand un prof, entendu comme témoin puis suspect dans une affaire de meurtre, voit sa si fidèle bande de potes prendre de la distance parce qu'une facette de son existence qu'ils ignoraient a été mise au jour. C'est moins l'enquête que l'étude psychologique et morale qui importent dans ce film sur l'hypocrisie des relations humaines admirablement servi par l'ambigu Fabrizio Rongione.

La solitude et le sentiment d'être exclu de la fête, sont enfin au cœur de trois autres films parmi ceux qu'il faudra voir ce mois : Petra (8 mai), du toujours juste Jaime Rosales, œuvre réfléchissant sur la genèse artistique et la causalité à travers le parcours d'une plasticienne recherchant ses origines — se doublant d'un drame saisissant — ; Les Météorites (même date) portrait signé Romain Laguna d'une jeune ado à l'âge de l'affranchissement et du franchissement de la vie d'adulte — révélant Zéa Duprez — ; et enfin Tous les dieux du ciel de Quarxx (15 mai), voyage dans la schizophrénie paranoïaque d'un frère s'occupant de sa sœur lourdement handicapée depuis son enfance, persuadé que des extra-terrestres vont venir le chercher. Histoire de s'enfuir par la bande…


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