"Passion" : Bande à part

De Ryusuke Hamaguchi (Jap., 1h55) avec Aoba Kawai, Ryuta Okamoto, Fusako Urabe…


À l'occasion d'un dîner entre amis, l'annonce du prochain mariage d'un des couples provoque chez le futur époux un malaise qui, par rebond, va révéler les non-dits amoureux et amicaux grevant leurs relations. En quelques jours, plus rien ne sera comme avant entre eux tous…

En tout juste un an — depuis la sortie en mai dernier du foisonnant Senses (2015, cinq parties et cinq heures) concomitante à sa sélection en compétition à Cannes pour Asako I&II —, Ryusuke Hamaguchi s'est taillé sa place dans le paysage cinématographique international. Aussi prolifique que celle de Kore-eda ou Kawase, son œuvre n'est toutefois pas divulguée dans sa chronologie en occident — ce fut le cas jadis pour Kitano. Mais dès ce premier long métrage Passion (2008)  (une demi-douzaine restant inédits), le réalisation nippon s'affirme déjà comme un fin portraitiste de groupes, au moment où ceux-ci subissent un déséquilibre ou une évolution majeure conditionnant leur pérennité : quand l'impondérable amoureux compromet la stabilité des relations. 

Passion mériterait un pluriel tant elles sont nombreuses à s'emparer des personnages. Pour autant, elles s'expriment rarement dans l'action directe : le discours demeurant leur vecteur privilégié, un baiser fugace sera ainsi montré dans d'un flash-back, comme pour respecter un délai de bienséance narrative ou en faire un produit du récit. Carburant de cet enchevêtrement d'amours univoques à la Racine, le dialogue rappelle autant le cinéma de Cassavetes ou de Sautet pour les séquences entre potes que celui de Desplechin (époque Comment je me suis disputé…) pour la tentation romanesque et les digressions philosophiques. Pétri d'influences occidentales sans renoncer à son socle traditionnel, l'univers de Hamaguchi intrigue par sa “proximité distante“, et l'étrange familiarité que l'on entretient avec ses personnages. Passionnant.


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