"Le Fils" : La fabrique des petits soldats

Documentaire De Alexander Abaturov (Ru.-Fr., 1h11)…


Deux trajectoires parallèles : celle du cousin du réalisateur, Dima, soldat d'excellence russe mort au combat, et celle des nouvelles recrues aspirant à rejoindre le corps d'élite des Spetsnaz dont Dima était issu. D'un côté, le deuil sobre ; de l'autre l'exaltation d'une jeunesse ultra patriote…

On aimerait que cela fût une fiction et non point un documentaire. Mais Alexandre Abaturov dépeint une réalité crue et froide : celle de de super-soldats contemporains interchangeables et soudés au sein d'une unité impatiente de servir la mère Russie. N'étaient leurs marinières rouges, ils pourraient êtres les bidasses de Full Metal Jacket (1987) effectuant leurs classes sous les ordres d'instructeurs les conditionnant psychologiquement et physiquement, sélectionnant les plus solides (environ un quart du contingent), seuls aptes à porter le distinctif béret rouge des Spetsnaz.

Entre les parcours dans la boue, les pugilats “pour de rire“ — avec pommettes en charpie et nez explosé —, les cérémonies d'hommage aux aînés tombés pour la patrie, Abaturov glisse des instants de la vie des parents orphelins de Dima, trompant leur peine dans des rites aussi démesurés que dérisoires (l'élévation d'une statut au défunt…) et sacrifiant aux commémorations funéraires — pareilles à ces cérémonies tristes de Retour à Kottelnitch (2003) d'Emmanuel Carrère. Partageant la même amputation que d'autres pères et mères, ils semblent comme absents du monde, noyés dans l'insondabilité de leur désemparement. Glaçant et inquiétant.


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