Québec, quel cirque !

Cette année, le festival des 7 Collines offre une jolie part de sa programmation à des créations québécoises en danse (avec Daina Ashbee) mais aussi et surtout en cirque (7 Doigts de la Main, Barcode Circus Company et Machine de Cirque). C'est carrément un focus Québec qui nous est proposé. Mais pourquoi la Belle Province est-elle une terre aussi fertile en matière circassienne ? Éléments de réponse.


Depuis plusieurs années, on assiste à une sorte d'hégémonie québécoise sur la création circassienne. Cela se traduit par des productions de grande qualité et des compagnies aux noms qui retentissent fort dans le secteur. On pense forcément au Cirque du Soleil, aux 7 Doigts de la Main ou encore au Cirque Éloize. Mais pourquoi donc, la Province de 8, 5 millions d'habitants est-elle devenue en quelques décennies la référence en cirque ? À tel point qu'aujourd'hui le festival des 7 Collines accueille un focus Québec dans sa programmation. Nous avons voulu en savoir davantage en nous tournant tout d'abord vers Marie Pâris, une journaliste installée à Montréal et spécialisée dans la scène et le spectacle vivant. Elle revient pour nous sur les racines de ce succès mondial du cirque à la sauce québécoise. Nous avons également voulu savoir pourquoi et comment le festival des 7 Collines en est arrivé à programmer un focus spécial en 2019. Une chose est sûre, au Québec, c'est le grand cirque ! Nicolas Bros


Le Québec en piste

On aime les Québécois pour leur humour et leur décontraction, mais aussi pour le malin plaisir qu'ils prennent à transgresser les codes et traditions. Si Montréal est devenue la capitale internationale du cirque, c'est parce que les artistes circassiens de la province ont su se démarquer et faire avancer la discipline.
Par Marie Pâris, journaliste montréalaise spécialisée en scène et spectacle vivant

On ne peut pas jaser de cirque québécois sans commencer avec le célébrissime Cirque du Soleil, fondé en 1984. Avec ses spectacles à grand déploiement présentés partout dans le monde, la compagnie a mis la table pour un nouveau cirque sans animaux, qui mise sur l'acrobatie et la théâtralité. Ses anciens spectacles reviennent aujourd'hui en reprise et font partie intégrante de la culture québécoise - la chanson-thème d'Alegria était d'ailleurs restée pendant plusieurs semaines au palmarès des radios musicales lors de la sortie du spectacle.

D'autres compagnies ont pris le relais depuis, comme les désormais bien connus Cirque Éloize et les 7 Doigts, mais aussi Machine de Cirque, Cirque Alfonse ou encore FLIP Fabrique. Autant de troupes qui construisent leurs spectacles autour de trames narratives et de thèmes forts, créant des univers bien à elles et mêlant à loisir d'autres disciplines artistiques comme la musique ou la danse. On pense notamment aux sœurs de Sela, qui amènent le chant et même les parfums sur scène dans leur création SisterS (2018).

Rendez-vous estival incontournable, le festival Montréal Complètement Cirque réunit quant à lui des troupes de partout dans le monde. Chaque année, pendant une semaine, les spectacles se succèdent dans les salles de Montréal et des animations en plein air investissent les rues et les places. Conférences et tables rondes rassemblent les professionnels du métier, tandis que le public vient voir la crème de la crème des compagnies étrangères. D'autres festivals viennent égayer le reste de la province, comme Détours dans le Bas-Saint-Laurent, le Festival de Cirque de Vaudreuil en Montérégie ou les Hommages annuels du Cirque du Soleil en Mauricie.

Un véritable patrimoine identitaire québécois

Si le Québec donne naissance à autant de belles compagnies, c'est que la province est en outre un solide pôle de formation en la matière. À la Cité des Arts du Cirque, au nord de Montréal, se trouve l'École nationale de cirque, qui attire des étudiants de partout dans le monde. À deux pas de l'école siège la TOHU - seule salle circulaire en Amérique du Nord -, qui accueille chaque année de nombreux spectacles, dont les fameux Coups de Cœur annuels : on y découvre les jeunes artistes de la relève, parfois tout juste diplômés de l'école de Montréal ou de Québec.

Dans la province, le cirque est un véritable patrimoine identitaire, un phénomène social ancré dans la culture et désormais reconnu comme discipline artistique par le Conseil des arts et des lettres du Québec. Guy Laliberté, fondateur du Cirque du Soleil, a même son étoile sur le Walk of Fame à Hollywood, coudonc ! Exit les animaux dressés, la discipline évoque désormais modernité et art contemporain. Tout Québécois qui se respecte est déjà allé voir au moins un spectacle de cirque en famille, avec des amis ou même en date amoureuse. Et si ce n'est pas votre cas, le festival des 7 Collines est l'occasion parfaite d'y remédier...


Jean-Philippe Mirandon : « Les compagnies québécoises jouent tout de suite à l'international »

Le directeur du festival des 7 Collines revient sur la possibilité qu'il a eue de créer un Focus Québec dans son édition 2019 et nous explique, selon lui, pourquoi le Québec est une terre fertile pour la création circassienne. Propos recueillis par Nicolas Bros

Cette année, vous faites un focus Québec avec quatre spectacles venus de la Belle Province. C'est la première fois que cela se déroule au festival des 7 Collines ? 

Oui, c'est vrai que l'occasion s'est présentée également. Il y a des créations cet été comme Passagers de la Compagnie Les 7 Doigts de la Main qui sera visible cette année à Montpellier et à Saint-Étienne. Il y a une compagnie que l'on aime beaucoup, Machine de Cirque, que nous n'avions pas pu faire venir auparavant. les 25 et 26 juin, elle présentera pour la première fois en France leur dernière création. Ensuite, une autre compagnie, la Barcode Circus Company, qui avait également un projet, fera aussi sa première française à Saint-Étienne... De plus, nous avons un projet de danse très engagé avec la chorégraphe Daina Ashbee. C'est finalement une sorte d'alignement de planètes, une conjonction de projets cirque et danse qui a permis à ce focus d'exister et pour lequel nous avons le soutien de la Délégation Générale du Québec à Paris. Ce sont des compagnies et des artistes avec lesquels nous travaillons régulièrement. 

La création circassienne est bouillonnante au Québec. Pourquoi selon vous ?

Il existe tout d'abord une très grande école de cirque à Montréal. En fait, il y a peut-être moins de compagnies de cirque qu'en France, mais le peu qui existent jouent tout de suite à l'international. Je pense au Cirque Éloize, au Cirque du Soleil, aux 7 Doigts de la Main... Elles tournent bien au Québec mais ça fonctionne partout pour eux : en Europe, aux États-Unis, en Asie... Ce sont des compagnies qui tournent beaucoup et qui sont connues mondialement. En France, nous avons plus de compagnies mais moins sont repérées au niveau international. 

Y-a-t-il un lien aussi avec le soutien des pouvoirs publics pour le cirque ?

Non, je ne pense pas. En France, c'est surtout que les compagnies de cirque sont plus petites, aidées par les ministères et les collectivités territoriales. Le territoire est couvert. Il y a quand même pas mal de pôles cirque en France de grande qualité. Au Québec, c'est plus concentré entre Québec et Montréal. Les productions ont des retentissements énormes. Cela fait maintenant une vingtaine d'années que les compagnies québécoises ont explosé. 

- La Galerie de Machine de Cirque, mardi 25 juin et mercredi 26 juin à 20h, à la Comédie de Saint-Étienne
- Passagers des 7 Doigts de la Main, jeudi 27 juin et vendredi 28 juin à 20h, à l'Opéra de Saint-Étienne
- De Sueur et d'Encre de Barcode Circus Company, jeudi 4 juillet et vendredi 5 juillet à 20h30, salle Aristide Briand à Saint-Chamond
- Pour de Daina Ashbee, mardi 2 juillet à 21h à L'Usine (ancienne Comédie de Saint-Étienne)


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