Chorégraphie quotidienne

Derrière cette vitrine bien singulière, rien n'est à vendre, bien au contraire. C'est une œuvre du quotidien qui s'offre gracieusement au regard des passants. Dans le laboratoire de permanence chorégraphique du Magasin, l'ouverture est une seconde nature.


« Pendant trois mois, j'ai marché trois heures par jour dans la ville de Saint-Étienne et j'ai compté les vitrines vides. » C'est comme ça qu'est venue à Mathieu Heyraud, l'idée d'investir un de ces espaces, pour en faire une vitrine de la création artistique. 

C'est à deux pas de la place Jacquard que l'on trouve Le Magasin. Ni une salle de spectacle, ni vraiment un studio, c'est un lieu de recherches, pour les artistes qui souhaitent développer de nouvelles formes artistiques. À travers la vitrine, c'est la genèse des œuvres qui s'expose en un tableau urbain et quotidien. 

Fenêtre sur l'art 

Pour le chorégraphe de la compagnie R/Ô,  « Le Magasin n'est pas un lieu, mais une chorégraphie visible depuis la rue. » C'est cette volonté de placer l'art au cœur de la ville et le public au centre du processus artistique, qui l'a amené à développer ce projet. Derrière cette vitrine, l'objectif n'est pas de monter un spectacle. C'est la recherche et l'expérimentation qui sont mises en scène. 

Ce concept nouveau, qui investit les vitrines abandonnées, est aussi pour son créateur,  « un questionnement sur ces villes qui se vident de leurs commerces. » L'idée est vendeuse et elle s'exporte hors des frontières ligériennes, notamment avec l'ouverture prochaine d'un autre "magasin" à Cognac.

Qu'ils soient chorégraphes, artistes plasticiens, photographes, philosophes, cartographes ou musiciens, pour fonctionner, Le Magasin a besoin de ses "épiciers". C'est ainsi que sont appelés ceux qui assurent l'animation de ce laboratoire de permanence chorégraphique. « L'idée, c'est que des artistes soient là quotidiennement, pour faire de la recherche sur les idées profondes qui traversent leur travail d'artiste », explique Mathieu. Il ne leur est pas demandé d'aboutir à un spectacle durant cette période. Leur mission est d'être présents sur cet espace, d'accueillir les éventuels curieux et d'assumer une ouverture quotidienne. Cette dernière peut prendre la forme d'un atelier participatif, comme une récolte de témoignage, d'une simple invitation à boire le café pendant que l'artiste explique son projet et parfois la présentation se mue performance. 

Des créations à partager

Les chorégraphes-épiciers, ont tout un stock de propositions d'activités pour les spectateurs.À partir de la rentrée, Le Magasin proposera, deux fois par semaine, des siestes chorégraphiques et sonores ainsi qu'un laboratoire chorégraphique mensuel pour les enfants. Sur le modèle de l'université populaire, des doubles conférences seront également proposées. « L'idée c'est de faire une rencontre entre un sachant, qui travaille sur un sujet universitaire et un artiste, qui traite du même sujet mais pas de la même façon », détaille le danseur.

Dans ce lieu de découverte et d'invention, se tisse un lien direct entre l'art et l'espace urbain. Pour les habitants du quartier, c'est la promesse de surprises journalières au coin de leur rue. Quant aux épiciers, pour eux,  « le projet est d'être perturbés, dans le bon sens du terme, par le passage et les questions des gens. Car devoir parler de son projet, permet de mieux cerner soi-même ce que l'on est en train de faire. »

Le Magasin, laboratoire de permanance chorégraphiques,  20 rue honoré de Balzac


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