Encré dans la mémoire

C'est une ode à la mémoire collective des peuples que l'artiste Saïd Atek couche sur ses toiles. Tantôt à la pointe de son pinceau, tantôt à celle de son stylo, il réinterprète à l'encre ou en peinture les images d'archives qui ont façonné notre histoire.


« Avant mes archives étaient intérieures, elles étaient le fruit de ma mémoire. Maintenant je me sers de la mémoire universelle. » C'est ainsi que Said Atek explique son choix de prendre des images d'archives comme inspiration pour ses œuvres. Il se prête à cet exercice depuis maintenant six ans et a réalisé ainsi de nombreuses séries de tableaux. Certains sont basés sur les portraits de femmes algériennes prises par le photographe Marc Garanger, d'autres sur les femmes tondues à la fin de la Seconde Guerre Mondiale. De l'apartheid aux camps de concentration, le peintre traite de toutes les meurtrissures de l'humanité. 

Les instants chargés d'émotions et d'histoire, qu'il revisite par son travail, interrogent également notre présent. « Ce qui était hier ressemble beaucoup à ce qui se passe aujourd'hui. C'est exactement les mêmes choses, seul le contexte change », explique le quinquagénaire, diplômé de l'École des Beaux-Arts d'Alger. Il a trouvé une source quasi inépuisable d'inspiration dans l'iconographie historique, qu'il traduit en dessins ou en peintures, par des procédés aussi variés que les supports qu'il utilise. 

« Utiliser tous les matériaux »

L'installation Ex-Memo, qu'il a réalisée en 2009 comporte une série de portraits d'hommes sud-africains, d'après une photo datant de l'apartheid. Les visages sont tracés à l'encre rouge sur une série de maillots de corps de la marque Marcel« j'essaye d'utiliser tous les matériaux qui me tombent entre les mains », précise-t-il.Produits en 1901 puis réquisitionnés par l'armée en 1914, ces habits « racontent déjà une histoire même sans y toucher. » Alors même qu'il fixe ces traits sur des matériaux qui ont enduré plus d'un siècle d'histoire, il réalise des esquisses sur des bases bien moins durables. C'est au stylo-bille, sur des assiettes en carton, qu'il trace en 2015 une autre série de dessins. « Je trouvais le support intéressant car c'est quelque chose de jetable et souvent la mémoire connaît un peu le même sort, quand on oublie. » Pour Saïd, le choix du support est de la plus haute importance car « chaque surface, chaque matériau apporte son lot de force ou de sensibilité. »

À la fois éphémères et intemporelles, les œuvres picturales de Saïd Atek sont exposées à la Galerie Giardi à Saint-Étienne. 


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