"Au nom de la terre" : Un champ d'amour

De Édouard Bergeon (Fr., 1h43) avec Guillaume Canet, Veerle Baetens, Anthony Bajon…


Fin des années 1970. Pierre rentre des USA avec de grands projets pour l'exploitation agricole familiale, qu'il loue en fermage à son père. Quelques années plus tard, étranglé par de trop nombreux investissements, Pierre perd pied. Et la faillite pointe son hideux visage…

Connaître l'origine du projet biaise fatalement la réception que l'on peut avoir du film : comment ne pas éprouver de la sympathie pour la démarche du réalisateur, fils du personnage joué par Canet, racontant la tragédie vécue par son père — et, au-delà, celle de milliers d'agriculteurs laminés par le système productiviste, saignés par les crédits et empoisonnés par les produits “phytosanitaires“ ? Car à moins d'être du côté de l'agro-business, on ne peut raisonnablement  soutenir un modèle qui tue la terre, produit hors-sol, dévoie même les concepts “bio” tout en asservissant les paysans.

En prolongeant par une “fiction“ — les noms ont été changés, pas les situations — portée par une star le documentaire qu'il avait consacré à la question, Édouard Bergeon espère sensibiliser un plus large public à cette question. Il le fera sans doute grâce à la force de frappe médiatique de Guillaume Canet. Tant mieux. Mais du point de vue cinématographique, son film se révèle d'une désespérante platitude, très loin de C'est quoi la vie ? de Dupeyron (1999) qui abordait le même sujet, ou du plus récent Petit Paysan de Hubert Charuel. Pas assez de distance, peut-être, et hélas une esthétique de téléfilm que les excellents Veerle Baertens et Rufus (effrayant en patriarche autocentré) ne parviennent pas à transcender.


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