"Atlantique" : Eau-delà

De Mati Diop (Fr.-Sén.-Bel., 1h45) avec Mama Sané, Amadou Mbow, Ibrahima Traore…


Dakar, de nos jours. Lassés de travailler sans être payés, les ouvriers d'un chantier décident de quitter le pays dans une embarcation de fortune qui chavire en mer. Mais leurs esprits reviennent posséder les vivants et réclamer justice pour les vies qui leur ont été volées…

La vie actuelle est-elle à ce point si désespérante qu'il faille se résigner à recourir à des extensions post mortem pour pouvoir la vivre pleinement ? C'est un peu le sentiment que l'on éprouve face à la déferlante de films de zombies, revenants et autres fantômes dont nos écrans sont les réceptacles depuis quelques semaines. Ces non-morts à qui la paix du repos a été refusée viennent hanter les vivants comme des incarnations — souvent désincarnées — de leur mauvaise conscience, dans une mouvement de balancier moral très judéo-chrétien.

Amalgamant une situation sociale et géopolitique (le drame des réfugiés économique) à une structure fantastique, Atlantique est représentatif de cette tendance. Et s'il parle d'une histoire d'amour interrompue entre Ada et Suleiman avant que d'avoir été consommée, il y est surtout question de possessions : celle du promoteur voyou qui ne paie pas ses employés ou du riche mari d'Ada, celle de ses corps hantés la nuit par les esprits des défunts ; celle d'Ada, enfin, revendiquée par deux amants.

Tous les éléments sont présents pour faire symbole, mais il manque à ce conte un souffle unificateur : l'effet puzzle et disparate du récit n'apporte pas grand-chose, si ce n'est l'impression d'un faux rythme ou d'une hésitation entre le choix du respect de la linéarité et celui d'une structure plus décousue, poreuse aux surgissements du surnaturel. Ça ne l'a pas empêché d'avoir le Grand Prix à Cannes…


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