Barcella : "Je suis né dans la chanson"

Il est rayonnant comme le nom de son dernier album "Soleil". L'auteur-compositeur-interprète rémois Barcella est assurément un des artistes de chanson française parmi les plus dynamiques. La preuve avec ses multiples casquettes et toute l'énergie qu'il déploie à chaque spectacle. Rencontre avec un artiste généreux.


Tu as mis deux ans pour composer ton dernier album Soleil. Pourquoi ce travail a-t-il pris autant de temps ?

Nous sommes tout d'abord partis un an avec Tournepouce, un spectacle jeune public. Étant sur les routes pour cette « parenthèse » différente de ce que j'ai l'habitude de faire, j'ai pas pu me consacrer pleinement à la composition. Ensuite, j'ai eu besoin d'une réflexion assez longue car c'est mon quatrième album. Passé un cycle de trois albums, se réinventer devient moins évident qu'auparavant. Sur les trois premiers albums, tout fuse assez naturellement car il suffit de piocher les sujets qui tombent. On se rend assez vite compte sur un quatrième ou un cinquième album, que l'on va garder globalement les mêmes sujets tels que le temps, la solitude, l'espoir, l'amour, l'onirique, le rêve... mais on va les traiter différemment. Le regard évolue par rapport à ces sujets. Par exemple, concernant le thème de l'enfance, sur mon premier album, je le traitais avec les yeux nostalgiques de quelqu'un qui l'avait quittée il y a finalement peu de temps. Un album plus tard, j'imaginais les enfants que j'aurais. Maintenant, je parle des enfants d'aujourd'hui. Et c'est ainsi pour tous les sujets.

En parlant d'enfants, tu as mis en avant des enfants sur cet album et notamment via une cause qui te tient à cœur, celle des enfants autistes ?

À la fin d'un concert en Belgique, les parents de la petite Lisette sont venus me voir en me demandant de bien vouloir parrainer leur association qui s'appelle On souffle dans ton dos. Le but de cette dernière est de construire un centre pédagogique nouveau pour les enfants autistes. J'ai donc rencontré la petite Lisette qui m'a profondément ému. Je suis ensuite parti en vacances avec eux afin d'écrire des chansons de mon côté et comprendre également davantage les rouages et les problèmes sous-tendus par ce cadre de vie. Quand on a un enfant autiste, cela bouleverse beaucoup de choses... Comme j'écrivais des chansons, je me suis mis à les chanter le soir à Lisette et ses sept frères et sœurs. Il se trouve qu'ils font tous partie d'une chorale, hormis Lisette. J'ai trouvé qu'il y avait un tel alignement des planètes que je me suis dit qu'il était impossible de ne pas les inviter sur le disque. Du coup, les frères et les sœurs de Lisette et d'autres membres de sa famille chantent sur Soleil. Lisette intervient également en parlant. Finalement, c'est tout l'univers de cette petite fille que j'ai voulu amener sur cet album car elle est exceptionnelle. Elle ne parle qu'avec le cœur et ne réfléchit rien. Pour moi, c'est l'une des plus grandes artistes de ce siècle même si elle a six ans !

Je préfère focaliser mon intention sur toutes les micro-entreprises qui essaient de changer le monde plutôt que tout ce qui le ravage.

Tu abordes dans tes chansons des thèmes parfois durs, on se souvient de la maladie d'Alzheimer, mais tu insuffles également toujours beaucoup de positif. C'est un équilibre subtil très important pour toi ?

Oui, s'il faut décréter aujourd'hui qu'il n'y a plus d'espoir, cela ne sert à rien d'avoir un chemin humain ou humaniste ! Nous vivons dans un monde foncièrement cruel et ce sont tous ces indicateurs positifs qui nous poussent à retrouver en nous, par le biais de l'espoir, la voie du cœur. Ce que Lisette a très bien compris, elle a cela spontanément alors que pour nous autres, il nous faut vivre des expériences terribles pour nous rendre compte que la seule bonne voie est celle du cœur. On arrive malgré la peine et les turpitudes de l'existence, à tisser du lien. Je préfère focaliser mon intention sur toutes les micro-entreprises qui essaient de changer le monde plutôt que tout ce qui le ravage. Il faut continuer à s'orienter sur une vision plus solaire des choses, mais c'est beaucoup plus qu'un simple effet de mode. Cela a une réelle incidence sur notre vie.

Sur scène, tu adores grimper un peu de partout au-dessus des instruments, tu n'hésites pas à aller chanter au milieu du public... D'où te vient ce côté « circassien » ?

Cela vient de ma région, Champagnes-Ardennes. Ici, nous avons le Centre national des arts du cirque [de Châlons-en-Champagne, ndlr]. Petit, mes parents m'emmenaient voir beaucoup de spectacles et j'ai toujours été bluffé par le cirque nouveau et contemporain. Aussi, il faut bien avouer que je suis de nature très dynamique, je tiens rarement en place... Du coup, pouvoir attraper ces perchoirs, pouvoir monter sur le piano, au-dessus de la batterie et avoir mon petit tabouret pour passer plus de la moitié du concert au milieu de la salle, ça a toujours été ma marque de fabrique. J'aime ce rapport à l'espace différent. Les chansons sont en mouvement et si on arrive à les accompagner avec le corps, on a un spectacle vivant et dynamique. Je n'ai jamais aimé les spectacles trop récitatifs... Je pense qu'il faut trouver une manière de faire vivre les choses. Visuellement, c'est toujours plus intéressant pour le public de voir une scénographie qui se meut et cela impacte aussi la sensation du temps. On joue plus de deux heures mais le temps passe très vite !

Une tournée est censée s'arrêter un jour. Alors que pour ma part, je tourne depuis 10 ans… On a fait plus de 800 concerts. 

Tu es auteur-compositeur-interprète, tu tournes avec les concerts, un spectacle jeune public mais tu es également directeur artistique d'un festival de chansons à Reims, le Charabia. Comment parviens-tu à concilier toutes ces activités ?

En fait, professionnellement, je suis né dans la chanson, c'est mon premier métier. J'étais à l'IUFM et j'ai tout arrêté pour devenir intermittent. On a tout de suite fait beaucoup de concerts. C'était une chance d'avoir un tourneur qui m'a permis de beaucoup voyager. Je suis tout le temps dans la musique et les concerts. Je ne suis finalement pas en tournée car une tournée est censée s'arrêter un jour. Alors que pour ma part, je tourne depuis 10 ans… On a fait plus de 800 concerts. Étant tout le temps sur les routes, l'été dans les festivals et l'hiver dans les salles obscures, je sais absolument tout ce qui est en train de se coudre ou de se découdre dans la chanson française. J'ai eu une bonne écoute institutionnelle à Reims pour lancer ce projet de festival. Puis, cela s'est fait avec une fluidité et une facilité presque déconcertantes. On a chaque année une programmation qui s'étoffe et qui est de plus en plus ambitieuse. Je travaille pour ce festival avec passion et il me reste encore suffisamment de temps pour créer une antenne dans d'autres villes… En ce moment, j'écris même un roman et on reprend la tournée de Tournepouce. Tout cela s'appelle un cercle vertueux, et je ne lâche pas ! (rires)

Barcella + Alexandre Castillon, jeudi 12 novembre au Centre culturel L'Opsis de Roche-la-Molière, dans le cadre du festival Les Oreilles en Pointe


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