Décembre : On casse la baraque ?

Alors que se profile Noël, fête familiale par excellence, une foule de films dont les protagonistes ressemblent à des escargots hors de leur coquille sort sur les écrans. Un choix pour le moins singulier, quand on connaît le destin des escargots en période de réveillon(s)…


Qu'est-ce qui caractérise une famille ? Figée pendant des décennies (voire des siècles), la définition a connu ces dernières années moult révisions liées à la naturelle évolution des mœurs et de la société. Il demeure toutefois un paramètre central dans la qualification de la cellule familiale, fût-elle éclatée : le fait que des individus partagent un toit, en plus d'un patrimoine affectif et/ou génétique. Leur façon d'appréhender leur logis commun, et la manière dont les cinéastes les représentent, en disent souvent long sur les relations de ceux qui les occupent.

Prenez La Famille Addams (4 décembre) : certes ils habitent une bâtisse plus que pourrie, mais leur cohésion s'avère totale face à l'adversité, incarnée par une sorte de Stéphane Plaza blonde et diabolique. En dépit d'un script dépourvu de la moindre originalité, cette énième résurrection de la pacifique tribu de morts-vivants (ici en version animée et signée par Conrad Vernon & Greg Tiernan) se laisse plutôt regarder, et même entendre en français : Kev Adams, voix de Gomez, se met au service de son personnage sans en faire des caisses.

Périls en la demeure

Le fait que Valérie Donzelli incarne une architecte un peu foutraque a-t-il quelque chose à voir avec le désordre de sa “maison“ ? Toujours est-il que dans Notre Dame (18 décembre) qu'elle dirige également, son personnage remportant par un hasard magique le concours d'aménagement de l'esplanade de la cathédrale, habite et travaille dans un joyeux capharnaüm, et vit une situation amoureuse que l'on pourrait qualifier de “compliquée“. Vive et enjouée, nantie d'une excellente distribution, cette comédie sentimentale mâtinée d'une touche fantastique et de burlesque réussit tout, là où ses précédentes réalisations marquaient souvent le pas. En outre, l'histoire finit plutôt bien.

C'est moins le cas du mélo La Vie invisible d'Euridice Gusmao de Karim Aïnouz, (11 décembre), saga brésilienne débutant dans les années 1950 où un père, répudiant l'une de ses filles parce qu'elle a été séduite et abandonnée par un marin de fortune, la sépare de fait de sa sœur des années durant. Un pur tire-larmes (surtout à la fin), mais un sacré raccourci de la condition féminine dans un pays qui, aujourd'hui semble oublier l'un des deux termes de sa devise Ordre et Progrès — indice, ce n'est pas l'Ordre. Ainsi qu'une superbe double interprétation des sœurs aux vies parallèles et épistolaires, Carol Duarte et Julia Stockler.

Pour la Jeune Juliette de la Québécoise Anne Émond (11 décembre), c'est la mère qui est à distance pour raisons de carrière. Malgré un père aimant et un grand frère raisonnablement protecteur, l'adolescente — précoce et obèse — souffre d'une vie qu'elle juge médiocre, banale et quasi solitaire. Le portrait, sensible, donne l'impression d'un cross over (réussi) entre les séries BD Tamara et Les Nombrils. En revanche, dans La Sainte Famille de et avec Louis-Do de Lencquesaing (25 décembre), la mère est à la fois trop proche et trop distante puisque le héros — un universitaire nommé ministre de la Famille —, la voit tous les jours et la vouvoie toujours. Il y a sans doute beaucoup de vécu dans cette histoire de grande famille aux tiroirs pleins de secrets qui derrière son apparente froideur déploie sa tendresse. Du Assayas tranquille.

En quête

Les personnages sans feu ni lieu sont rarement voués à rester prisonniers de leur solitude. Quelle que soit leur quête, elle aboutit en général à leur intégration dans une ligue, une guilde… quand ce n'est pas une famille. Et qui dit famille, dit lieu de retrouvailles. Dans Le Cristal magique de Nina Wels & Regina Welker (11 décembre), c'est un arbre parmi les animaux de la forêt — mais il faut préciser que l'héroïne est une intrépide hérissonne partie avec un écureuil timoré à la conquête d'un cristal permettant d'alimenter en eau leur clairière asséchée. Surmontez sans hésiter “l'audace graphique“ à l'allemande de l'affiche : vos enfants vous remercieront, car le film vaut mieux que cela. Autre bonne surprise à la même date, mais au rayon comédie, Docteur ? de Tristan Séguéla — ou les déboires du seul SOS Médecins en service à Paris la nuit de Noël, lui-même si peu vaillant qu'il convainc un livreur à vélo de se faire passer pour lui. Porté par Michel Blanc et Hakim Jemili, ce buddy movie inspiré d'anecdotes rapportées par des toubibs dessine une cartographie humaine et sociale de la souffrance humaine, et fabrique une proto-famille à la fin. Le miracle des fêtes, en fait…


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