Animé ou contaminé ?

Au moment où nous écrivons ces lignes, l'on ignore si de nouvelles mesures restrictives vont toucher les salles ; elles méritent d'être épargnées, eu égard à la drastique réglementation sanitaire qu'elles respectent déjà. Ironie des choses, l'épidémie pourtant présente à l'écran. Mais moins représentée que l'animation — proximité des vacances de la Toussaint oblige…


Pour un peu, la défection des blockbusters hollywoodiens affolant certaines gazettes passerait inaperçue. Voyez les affiches aux frontons de vos salles : nulle pénurie, le choix s'offre à tous les âges, y compris au rayons animation. Pour les tout-petits, on restera en territoire de connaissance avec des programmes de moins d'une heure très animalier. La nouvelle collection de courts métrages La Chouette en toque (14 octobre), autour de la thématique de l'alimentation, un poil (ou une poêle ?) plus appétissante que la précédente, revisitant notamment la chanson dame Tartine en l'allégeant en sucres pour la bonne cause. Autre réussite, le lumineux conte La Baleine et l'Escargote et ses deux mini films d'avant-programme) narrant l'amitié improbable de deux voyageuses dans une réalisation somptueuse (le 21) ; ou encore le plus décalé — mais normal car co-signé Aubier & Patar, les papas de Pic Pic André Show, ici rejoints par Davy Durand —, Chien Pourri, la vie à Paris ! (le 7) Cette irrésistible adaptation d'une série parue à l'École des Loisirs met en scène un toutou des rues puant et stupide flanqué d'un chat l'aidant à se dépêtrer de sa bêtise. Joliment fait et surtout hilarant.

Chiens encore, mais pour les plus grands avec 100% Loup (le 28) où le jeune Freddy Lupin, dernier-né d'une lignée de loups-garous, découvre avec stupeur sa métamorphose en caniche à la pleine lune. S'ensuit une quête initiatique sur fond de complot familial, contre un marchand de glaces fou et une usine de perruques — oui, c'est tiré par les cheveux et surtout cousu de fil d'argent : tout est prévisible dans ce gloubi-boulga et rien ne fait peur. Dommage de convoquer des loups-garous. D'un Lupin l'autre, préférons Lupin III: The First (le 7), nouvelle adaptation en anime du manga de Monkey Punch, qui s'offre la 3D pour la première fois sans rien sacrifier aux fondamentaux de la série : humour et aventures. Tel Indiana Jones, le petit-fils d'Arsène Lupin se retrouve ici à la recherche d'une arme surpuissante convoitée par des nazis (si si) ; il bénéficie heureusement de l'aide de son équipe et d'une ravissante archéologue. Enlevé, bien écrit, doté de décors soignés et d'une palette harmonieuse, c'est sans barguigner le film d'animation du mois. À égalité, allez, avec Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary (le 14), évocation de l'enfance de Calamity Jane en pré-ado rebelle, pionnière du Far West, vue par Rémi Chayé (Tout en haut du monde). Avec ses aplats inimitables, son flat design et sa poésie, il a décroché le Cristal à Annecy. Largement mérité.

Santé !

Évoquons à présent ces films parlant de maladie ou d'épidémie, non sans avoir rappelé que ce qui se passe sur l'écran n'est PAS contagieux (vu le degré d'infox circulant, il n'est pas inutile de le préciser). Celle qui frappe les héroïnes de Relic (le 7) tient de la damnation familiale : dans ce quasi huis clos horrifique — majoritairement féminin devant et derrière la caméra —, le mal est diffus, lié à l'âge, à l'hérédité comme à la maison ancestrale. Un film d'atmosphère et de métaphores sur la sénilité et l'accompagnement dans la mort. Plus “concrets“ sont Peninsula et Last Words (tous deux le 21) traitant d'une pandémie. Dans le premier, suite du Dernier train pour Busan, il s'agit de zombies ayant envahi la Corée, zone fermée où des mercenaires sont expédiés pour récupérer un transport de fonds. Spectaculaire à bien des égards, Peninsula tire hélas un peu à la ligne en faisant durer ses poursuites en bagnole déglinguées façon Mad Max-Fast and Furious ; vingt minutes auraient pu être croquées. Quant au second, il montre une planète ravagée et dépeuplée redécouvrant l'existence du cinéma, outil permettant de sauv(égard)er tout la mémoire de monde. Pas très optimiste, sauf si on le prend comme une mise en garde : le cinéma permet non seulement de préserver le passé, mais aussi d'éviter les pièges du futur…


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Ivoire racé