Occupation du Fil : intermittents, précaires et élèves en lutte pour leurs droits

Alors que tous les regards se tournent aujourd'hui vers une réouverture des salles, les intermittents du spectacle et de l'emploi, rejoints par les élèves de la Comédie de Saint-Etienne, réclament d'abord des mesures de soutien pour sécuriser leurs droits et leurs revenus.


Cela fait maintenant un peu plus d'une semaine, qu'ils occupent le Fil de Saint-Etienne. Une manière pour eux de rejoindre le mouvement de revendications lancé par les intermittents du spectacle au théâtre de l'Odéon parisien, et de tenter de se faire entendre du gouvernement. Et, contrairement à ce que l'on pourrait croire en n'y jetant qu'un œil, les membres du CIP42 (collectif des intermittents.tes et précaires de la Loire) réclament moins la réouverture des salles que des mesures de soutien face à leur précarité, présente ou à venir : « On demande la prolongation de l'année blanche, ainsi que son extension aux intermittents de l'emploi : tous ceux qui travaillent dans le secteur de l'événementiel, de la restauration… En bref, tous ceux qui sont empêchés de travailler à cause des fermetures administratives. Parce que rouvrir sans sécuriser nos emplois et nos revenus reviendrait à exclure de nombreux intermittents, puisque la vie ne reprendra que progressivement, et, de fait, les contrats aussi. Par ailleurs, nous considérons que nous ne sommes pas épidémiologistes. Ce n'est pas à nous, de dire si oui ou non, les salles sont des lieux potentiels de clusters. Ce que nous voulons c'est faire les choses dans l'ordre, pour sécuriser tout le monde », détaille Gio Garcia, l'un des membres du collectif.

Outre la protection de leurs revenus, les intermittents et précaires veulent aussi alerter sur la perte de couverture sociale de nombre d'entre eux, du fait de leur absence de cotisation cette dernière année : « En fait, ce mouvement vise à contraindre le gouvernement à ouvrir les yeux sur les trous dans la raquette que ne comblent pas les dispositifs en place ».

Un mouvement rejoint par les élèves de La Comédie

Cinquième occupation de salles de spectacles menée en France, celle du Fil est faite pour durer aussi longtemps que nécessaire. Aujourd'hui, à Saint-Etienne, le mouvement a également été rejoint par les élèves de La Comédie, qui, s'ils n'occupent pas le théâtre, soutiennent des revendications similaires, comme l'explique Estelle, élève de la Promotion 30, qui doit être diplômée cette année : « Nous n'occupons pas la Comédie, mais nous allons essayer d'en faire un lieu d'hospitalité, pour tous les étudiants en précarité psychologique. Le gouvernement ignore totalement cette détresse. Aujourd'hui, on s'interroge tous sur la manière dont on va survivre l'an prochain, dans la mesure où l'on va avoir de grandes difficultés à trouver du travail. On demande donc également le retrait de la réforme de l'assurance chômage. »

Jusqu'ici, le gouvernement n'a pas encore engagé de discussion avec les occupants de Saint-Etienne et d'ailleurs. Un silence, ou des commentaires lâchés par certains ministres perçus comme un « mépris » par toutes les personnes mobilisées. Plus de 65 lieux en France sont aujourd'hui occupés, et d'autres pourraient prochainement l'être à leur tour.


« C'est leur dernier recours »

Si Marc Chassaubéné, adjoint au maire de Saint-Etienne, en charge de la Culture, peut difficilement afficher un soutient frontal à l'occupation du Fil, il ne cache pas la bienveillance avec laquelle la municipalité observe le mouvement. « La Ville est propriétaire de la salle, nous avons donc été prévenus de l'occupation par les membres de son Conseil d'Administration. Nous restons vigilants, nous sommes en contact avec les forces de l'ordre qui gardent eux aussi un œil sur la situation, mais d'une certaine manière, on comprend la démarche de toutes ces personnes privées de leur vie professionnelle, sans perspective de reprise… Et également privés de parole via l'entreprise, puisque par définition, ils ne sont pas rattachés à une entreprise en particulier. Le fait qu'elles se fédèrent aujourd'hui dans un lieu dans lequel elles ont l'habitude de s'exprimer peut s'entendre ».


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