Juin : Un été en famille

Qui a dit que la saison chaude n'était pas adaptée à la fréquentation des salles obscures ? Sans doute quelqu'un qui n'en a pas été privé six mois, a oublié leur fraîcheur durant la canicule et ignore la tenue de “l'estival de Cannes“ cette année… Allez, tous au cinéma cet été !


Bénéfice collatéral de la disette hivernale et printanière : il n'y aura pas de pénurie estivale dans les salles. Et tout particulièrement pour les films parlant des familles ou à leur destination. Cocon surprotecteur, emprisonnant les individualités par ses étouffantes habitudes ou traditions, le désir de s'en libérer rend son emprise tragique, comique… ou les deux.

Variation multiple et ludique de Freaky Friday, Le Sens de la famille de Jean-Patrick Benes (30 juin) crée ainsi un chamboule-tout géant, où les esprits des parents, grands-parents et enfants naviguent dans les corps des uns et des autres sans fin pour une raison inconnue. S'ensuivent d'inévitables quiproquos glissant doucement vers un registre trash, changeant agréablement de l'injonction à faire de la comédie aseptisée. Quant à la fin, qui ne résout rien, elle permet (presque) de supporter le jeu de Dubosc — le seul à en faire des tonnes. Plus archaïque est la famille des Croods, de retour avec un second opus, une nouvelle ère, signé Joel Crawford (7 juillet), revisitant dans une pseudo-préhistoire d'heroic fantasy aux couleurs criardes la querelle entre les anciens et les modernes, mâtinée d'un remix du Père de la Mariée et de Mon beau-père et moi. Là encore, le finale délirant offre un relief inattendu à ce qui semblait s'engager sur les rails d'une animation ordinaire. Également animé, FRITZI de Ralf Kukula & Matthias Bruhn (même date) explore un passé plus récent et grisâtre : celui d'une petite fille est-allemande dont la meilleure copine a profité des vacances pour passer à l'Ouest. Un sujet à la fois politique et historique rendu abordable pour un public préado, avec l'intégration d'images d'archives et des séquences de cache-cache avec la Stasi (audacieux !). Très différent est Aya et la sorcière de Goro Miyazaki, qui marque une révolution pour les Studios Ghibli avec le passage aux images de synthèses. Si l'esthétique trahit une certaine raideur et les couleurs manquent de luminosité, on retrouve ce qui a fait la gloire de la maison de Totoro : un caractère d'enfant effronté plus ou moins orphelin, de la sorcellerie, des démons mignons et une fin tire-larmes. Inutile d'en dire plus : ce film constituera un feu d'artifice pour le 14 juillet.

Partir, quand même…

On change d'univers et de continent avec Kuessipan de la Québécoise Myriam Verreault (7 juillet), racontant la fracture entre une jeune fille innue et sa communauté, lorsqu'elle décide de quitter la réserve, d'étudier et de se mêler avec les blancs. La trame s'avère des plus classiques, mais l'intérêt sociologique est, évidemment incontestable pour relayer la parole et l'existence des peuples premiers souvent contraints à une lente extinction, aggravée par l'ostracisme et les spoliations de territoires — ici, les sous-sols pétrolifères de la réserve sont convoités. Plus au sud de l'Amérique, en Argentine, Juan José Campanella concocte avec La Conspiration des belettes (21 juillet) un délice de manipulation métafilmique. À la fois comédie sardonique sur les vieilles peaux-vieilles gloires de l'écran, policier vachard, réflexion sur le couple élargi à la “famille professionnelle“, sur l'écriture, sur le temps qui passe ou la séduction, il s'agit là d'un très plaisant moment de cinéma sur le cinéma avec en sus le toujours excellent Oscar Martinez.

Retour en France pour finir avec Rouge (11 août, photo) de Farid Bentoumi montrant le cas de conscience d'une infirmière embauchée dans l'usine où son père est syndicaliste, découvrantl'existence de pollutions cachées. La problématique intime peut-elle s'effacer face au scandale humain ? Une tragédie shakespearienne contemporaine résonant comme un Todd Haynes ou un Cayatte. Ah ! Et Kaamelott – Premier volet de et avec Alexandre Astier, alors ? On se doute bien qu'il s'agira d'un film de troupe autant que de famille. Et que sa sortie prévue le 21 juillet, où l'on commémorera le 52e anniversaire du premier pas de l'Homme sur la lune —coïncidence ? On ne croit pas — annonce une longue fratrie…


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Benjamin Lavernhe dans Le Discours : « J’aime bien causer… »