Helmut Tellier : « Revenir à l'origine du groupe : un duo de folk avec Raoul »

La Maison Tellier, c'est un groupe de cinq. Mais aussi, un duo à son origine, formé par Helmut & Raoul Tellier. Avec leur spectacle "1.8.8.1, Une Duographie de la Maison Tellier", Yannick et Sébastien - de leurs vrais prénoms - revisitent certains titres phares de la formation et intègrent des lectures de textes d'auteurs de la fin du XIXe. Un spectacle unique, littéraire et musical à la fois. Helmut nous en dit davantage avant leur passage à Feurs ce samedi.


Cette « duographie », mélange de duo et de biographie, est-ce un projet que vous aviez depuis longtemps en tête ?

Helmut Tellier : Nous avons commencé à écrire ce projet au début du confinement. Nous avons essayé de nous glisser dans des périodes de résidence d'écriture avec notre metteuse en scène, Julie-Anne Roth, quand nous avions le droit de le faire. Ensuite, nous devions débuter la tournée avec ce spectacle en mars dernier et cela a été légèrement retardé. En gros, ce projet a mis un an à prendre forme. Mais cela me traînait dans la tête depuis quelque temps. Partant d'un constat simple : la formule à cinq possède une chronologie très régulière, presque routinière, puisque l'on sort un album, on fait une tournée qui va durer un an, un an et demi puis on se retrouve avec une phase en forme de creux. Et je n'aime pas cette période d'inactivité forcée. En regardant la discographie que l'on a, certaines chansons qu'on ne joue plus car on n'a plus le temps lors des concerts des tournées, tout ceci m'a amené à cette idée de revenir à l'origine du groupe, c'est-à-dire un duo de folk avec Raoul.

Il y a une grande sélection d'auteurs et textes autour de ce spectacle. Comment les avez-vous sélectionnés ?

Nous avons sélectionné tous les deux. Etant donné que j'écris les textes des chansons de La Maison Tellier, peut-être que je suis davantage touché par cette partie littéraire que Sébastien, mais nous avons travaillé ensemble sur ces choix. Nous nous étions donné cette contrainte de l'année 1881, l'année de parution du livre La Maison Tellier de Maupassant. J'ai choisi de manière totalement arbitraire des auteurs de l'époque qui avait sorti des textes cette année-là. Cela limitait le champ des possibles mais c'est aussi cela qui est intéressant.

Nous sommes dans un monde très anxiogène où parfois il y a peu de raison d'espérer, je me raccroche à la joie de la création.

Pourquoi l'avoir écrit 1.8.8.1. ?

J'avais envie de souligner le palindrome que l'on retrouve dans cette année même si ce n'était volontaire au départ. Je souhaitais également donner un côté un peu moderne à cela de la même manière que certains groupes peuvent enlever toutes les voyelles du nom de leur groupe. Dans ma tête, cela ramenait une manière de renforcer cette symétrie, de décortiquer un peu comme ce que nous faisons dans le spectacle. A l'oreille, je préfère aussi 1.8.8.1 à 1881.

Vous avez choisi de travailler avec Julie-Anne Roth pour la mise en scène et avec Tania Torrens pour la voix off pendant le spectacle. Pourquoi elles ?

Nous les avons choisies ultra-naturellement. Julie-Anne avait travaillé sur Birds on a Wire de Rosemary Standley et Dom La Nena et sur des spectacles identiques dans l'esprit. Nous avions quelques autres noms mais en fait c'était une évidence de travailler avec elle. Concernant Tania, nous cherchions une voix familière qui avait fait des doublages de films américains. Sa voix nous ramène dans une ambiance, elle a bercé notre adolescence et notre enfance. 

Est-ce que ce spectacle en duo et avec la voix off permet un peu d'improvisation ou bien est-il calé à la minute près ?

La latitude peut se trouver sur le choix de certaines chansons. Nous avons plusieurs titres qui sont des clefs de voûte que l'on ne peut pas enlever mais nous en avons d'autres qui peuvent être joués ou pas, selon les soirs, le public, l'envie… Concernant les textes, nous en avons certains qui sont imposés et que nous lisons avec Sébastien. Nous ne sommes pas comédiens et donc nous ne pouvons pas trop improviser, nous restons sages car nous découvrons progressivement l'objet théâtral. 

En duo, il faut attraper l'attention des gens et ne pas la lâcher

Y a-t-il davantage de proximité avec un duo que dans la version à cinq plus électrique ?

De mon point de vue, le pouvoir dans le bon sens du terme que l'on a sur le public n'est pas le même nature. En duo, il faut attraper l'attention des gens et ne pas la lâcher avec pour seules armes l'émotion et la capacité d'attention du public. A cinq, quand on sent que l'on est en train de perdre le public, il existe des techniques simples pour ramener de la vie avec ce qu'il se passe sur scène, en haranguant le public, en bougeant, etc. Ici, nous sommes essentiellement assis. De plus, avec un public assis également, avec des masques, il faut apprendre à s'adapter.

La dernière citation du spectacle est signée de Bergson : « Partout où il y a de la joie, il y a de la création. Plus riche est la création, plus profonde est la joie ». Pourquoi ce choix pour terminer le spectacle ?

Pour moi, ça résume tout. La création peut être partout. Un boulanger qui va s'appliquer faire un bon pain, la joie que l'on peut avoir en tant que parent quand on donne la vie, etc. Nous sommes dans un monde très anxiogène où parfois il y a peu de raison d'espérer, je me raccroche à la joie de la création. J'espère qu'à la fin de notre spectacle, ce moment passé ensemble peut éveiller ou réveiller chez les spectateurs ce truc qui est une évidence. Au bout du bout, la création constitue la seule chose qui va nous apporter. C'est un stock inépuisable pour peu que l'on en ait conscience. Ce texte de Bergson m'accompagne depuis longtemps et qui m'a énormément aidé dans certains moments de la vie. Je voulais le partager avec les gens qui paient pour venir nous voir.

1.8.8.1, Une Duographie de la Maison Tellier, samedi 17 juillet au Château du Rozier à Feurs


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