Retour sur soi(s)

En ce mois de janvier, l'offre se polarise singulièrement sur des films traitant de réflexivité ou l'examen du passé. Il est parfois utile de faire le point face au miroir pour aller de l'avant…


Chaque artiste parle de lui à travers ses œuvres, et certains le font plus que d'autres. Comme Marine Barnérias avec Rosy (05/01), pseudo-documentaire — mais vrai clip géant de promotion personnelle puant l'exaltation de l'individualisme et la fausse humilité — sur un combat contre la sclérose en plaque. Racoleur, ambigu et mal filmé. On n'est pas loin de préférer (malgré le profond sentiment de déja-vu) l'optimisme naïf et coutumier de Lelouch dans L'Amour c'est mieux que la vie (19/01), recyclage habituel des thèmes du cinéaste (amour-amitié-argent) dans de grands mouvements lyriques de caméra, avec un dialogue en semi-impro, une chanson-rengaine et pléthore d'extraits piochés dans sa volumineuse filmographie. Rien de neuf donc, si ce n'est que ce 50e opus annoncé comme son ultime long métrage… est le premier acte d'une trilogie. Quant au family movie que miss Gainsbourg consacre à miss Birkin, Jane par Charlotte (12/01), c'est un peu une version actualisée du Jane B. par Agnès V., de Varda sauf que Charlotte G. tente de décrypter sa mère derrière l'icône (et réciproquement). Sympathique parce que tout le monde aime Jane, mais cinématographiquement anecdotique. Le boulot qu'effectue Nessim Chikhaoui (oui, le coscénariste des Tuche) dans Placés (12/01) est plus intéressant : il transmute son expérience d'éduc' dans un foyer de jeunes en une comédie-chronique conforme à la réalité du terrain, ainsi qu'aux âmes cabossées encadrantes et encadrées.

La Guerre, naguère…

Hasard ou coïncidence, le fantôme de la Seconde Guerre mondiale s'invite triplement en janvier. Dans Adieu Monsieur Haffmann de Fred Cavayé (12/01), où un bijoutier juif se réfugie dans le sous-sol de sa boutique qu'il a confiée à son employé, un brave type qui va peu à peu se muer en vil salaud collabo à force de renoncements et de compromissions… Quelque part entre Le Dernier Métro, Monsieur Klein et Les Misérables version Lelouch (Claude), l'intrigue paie un peu trop son tribut au théâtre dont elle est issue. Du pain béni pour Lellouche (Gilles) alias l'employé ; ce sont pourtant Nicolas Kinski en officier allemand et Sara Giraudeau qui captent l'attention. Les Leçons persanes de Vadim Perelman (19/01) évoque quant à lui La Liste de Shindler et Un héros très discret, puisqu'on y suit la trajectoire d'un prisonnier d'un camp de concentration ayant prétendu être iranien et contraint d'enseigner le persan (qu'il ignore) à un officier nazi fou furieux — glaçant Lars Eidinger. Un sujet à haut potentiel qui s'étiole toutefois dans la durée et par son académisme. C'est Sandrine Kiberlain pour sa première réalisation, Une jeune fille qui va bien (26/01) qui signe la proposition la plus singulière avec son portrait d'une apprentie comédienne juive dans le Paris de 1942. Sa joie de vivre, son aspiration à jouer, son innocence, sont peu à peu parasitées par le contexte dont elle tente de faire abstraction et qui finira par la dévorer — la dernière image est terrible autant qu'inoubliable. Rebecca Marder donne au personnage une délicate ingénuité doublée d'une profondeur romantique déchirante.

Politique

L'année 2022 étant électorale, on finira avec deux films en résonance avec les “choses publiques”. D'abord Twist à Bamako (5/01) où Robert Guédiguian, loin de sa géographie coutumière, tourne pourtant au plus près de son histoire et de sa jeunesse : dans le décor de l'indépendance malienne, où les lendemains chantent et dansent sur les tubes des yéyés, avant de déchanter entre le marteau des idéologues et le pragmatisme de la réalité, le tout sur fond de romance tragique. Et puis le brillant Les Promesses (26/01) de Thomas Kruithof au creux des arcanes du pouvoir, avec Isabelle Huppert en mairesse revenant sur ses engagements et Reda Kateb en dircab défendant jusqu'au bout l'intégrité de son élue. Une partie de billard à n bandes montrant qu'en politique, le bluff et les convictions vont parfois de pair. Mais aussi que la manipulation et les hochets restent les armes préférées des plus haut placés…


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L'Avare de Molière : zoom sur le travail des comédiens