Collectif


Un film de Emmanuel Gras (Fr., 1h45) Documentaire… (sortie 23 février)

Quand à la fin 2018 débute le mouvement des Giles jaunes, le cinéaste Emmanuel Gras filme le collectif s'agrégeant autour d'un rond-point à l'entrée de Chartres, de son aube à son crépuscule…

L'erreur serait de croire qu'il s'agit ici d'un documentaire de plus (ou en trop) sur les Gilets jaunes ; d'une de ces productions militantes tournées la fleur à la caméra dans l'ivresse utopique des combats sociaux, dépourvues de vision cinématographique comme de recul puisqu'elles épousent leur cause. Peu importe en l'occurence si le cinéaste adhère aux tuniques hélianthe, ce n'est pas le sujet. Son sujet, c'est de capturer un “moment“ sociologique et la dynamique d'un groupe. Et montrer comment une somme d'individualités peut se cristalliser autour d'une idée à un temps T, puis comment (ou pourquoi) le naturel de certains provoque d'irréconciliables scissions dans le collectif. Le pourrissement, comme inscrit dans son programme génétique du mouvement, s'avère d'autant plus rapide que celui-ci n'est pas structuré — une aubaine pour le Gouvernement, qui n'a donc qu'à jouer la montre pour observer l'inéluctable autolyse (et le deuil des espérances initiales).

Si les défections sur le rond-point n'échappent pas au regard d'Emmanuel Gras, il fixe aussi l'abomination des négociateurs politiques rivalisant de sorties obscènes pour défendre les mesures prises pour calmer le peuple. Que celui-ci pêche par amateurisme dans l'organisation d'un mouvement de révolte peut se comprendre, mais que ses représentants lui réponde avec autant de cynisme (conscient ou non), n'est pas soutenable. En cela, Un peuple tient aussi du témoignage historique. Précieux et captivant.


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