« Campana » à la campagne


A Lacroix-Laval pour les Nuits de Fourvière, on se délectera tout d'abord des Bêtes de Foire d'Elsa de Witte et Laurent Cabrol, spectacle accessible aux enfants, touchante traversée du décor avec pour objet ou agrès une machine à coudre, des tissus... Les manipulations sont à vue, leur chien fait l'acteur. Le duo cherche à ralentir le rythme à l'inverse de la surenchère des grands barnums, mais il se passe toujours quelque chose sous leur toile.

Yann Frisch abandonne quant à lui ses cartes et revient aux Nuits avec sa dernière création, très fraîche, ambitieuse, sur la transformation. Personne est une ode aux pouvoirs archaïques du théâtre. Dans son camion-théâtre déplié pour 80 spectateurs, il joue de façon encore fragile avec perruques, batterie de costumes et de masques, trappes, intrus imaginaires.

Et il y a Campana, du cirque Trottola. Dans cette pièce-là, on retrouve les mots de Jean-Loup Dabadie et Serge Reggiani. Il pourrait y avoir tous ceux de Beckett. Cette création est aux antipodes de l'entertainment à la québecoise sans être dénué de spectacle — nous sommes bel et bien au cirque avec ses codes (une piste, un chapiteau, une arène de spectateurs) et ses artistes (un clown, une trapéziste, deux musiciens). 

Au commencement, dans Campana, un homme un peu bourru et une brindille sortent des dessous de scène au son d'une cloche (« campana » en italien) puis sont avalés et recrachés dans un bruit d'orage assourdissant. Au centre ce n'est pas une simple scène, c'est un cœur qui bat, qui bout, celui de la Terre, de ses entrailles aussi accueillantes que malveillantes.

D'emblée surgit de ce travail quelque chose de sanguin et remuant. Titoune et Bonaventure Gacon réinventent un rapport physique au cirque. Ils font de cette toile une cathédrale païenne. Le clown prend la parole pour quelques mots parfois, il joue avec sa partenaire dont le corps se contorsionne autant que le sien semble emprunté. Mais tous deux, avec leurs différences burlesques, se comprennent. Mieux, ils dialoguent avec leurs moyens.

Les Nuits font leur cirque, jusqu'au vendredi 22 juillet au Domaine de Lacroix-Laval (69) dans le cadre de Nuits de Fourvière 

 


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