Au cœur des grands changements en cours au sein de l'industrie musicale, l'égalité se joue aussi (beaucoup) sur les esthétiques. Adieu, le temps où certains styles étaient les domaines réservés des hommes : aujourd'hui, les femmes sont de plus en plus nombreuses dans le rap, dans le rock, dans l'electro, même si le bout du chemin est encore loin d'être atteint. Il faut dire que l'on partait de loin : à titre d'exemple, en 2017, 13% seulement des artistes programmés dans les clubs d'Europe étaient des femmes. « Ça bouge, mais, à Sainté, c'est bien simple, on est 4 ! s'exclame Val Gérenton qui, parallèlement à ses activités au sein de l'association Giddy Up, est également DJ. Historiquement, les femmes ont longtemps fait du chant, et beaucoup moins joué d'un instrument. Encore une fois, on en revient d'une, à la confiance en soi, de deux, aux modèles féminins qui jusqu'il y a peu, étaient presque inexistants dans certaines esthétiques. »
L'avenir, néanmoins, s'éclaircit, et laisse supposer que les choses seront beaucoup plus équilibrées d'ici quelques années. Responsable pédagogique et professeure à La Fabrique Musicale à Saint-Etienne, Camille Dijoud note une véritable évolution dans les instruments choisis par les enfants : « On a de plus en plus de filles derrière des batteries… Et à l'inverse, on de plus en plus de garçons qui jouent du violon. Tout ceci est en train de changer, pour plein de raisons. Déjà, parce qu'effectivement, on a beaucoup moins de parents qui aujourd'hui ont une vision genrée des instruments. Et puis, parce qu'il faut bien le dire, il est aussi question de mode, et de bouche à oreilles. Il suffit qu'il y ait une fille, pour que plusieurs aient envie de suivre. Quand j'ai lancé la classe trombone, en centre-ville en 2016, il y avait une fille. Et puis, la copine est venue, et ainsi de suite… Aujourd'hui, on est à moitié-moitié ».
Et, plus qu'un simple 50/50 dans la pratique et dans les différents courants musicaux, peut-être, l'équilibre des genres dans la musique est-il en train de faire également bouger d'autres lignes, notamment artistiques. Depuis quelques années, la musique s'hybridifie, se réinvente… Et il y a fort à parier qu'elle se réinventera d'autant plus que les femmes y auront leur place : « On l'a vu dans d'autres pratiques artistiques, conclut Agathe Rochet*. Dans le break dance par exemple, où les femmes occupent une place beaucoup plus importante qu'auparavant, les styles se sont hybridifiés. Ce sera également le cas dans la musique, même si, bien sûr, on continuera à avoir aussi des esthétiques qui perdurent, avec des grosses guitares et du gros son. »
Agathe Rochet est étudiante en 2e année de master de sociologie à l'université Jean-Monnet, a travaillé sur la question de l'intégration des femmes dans le processus de création musicale. Voir l'article L'industrie musicale en marche vers l'égalité ? pour en savoir plus.