S'attabler et prendre le large au restaurant Les Voiles 

Larguer les amarres et partir explorer des plats inventifs : la promesse d'une aventure en mer (et sur la terre) est au rendez-vous sur cette table des bords de Loire.  Morceaux pas toujours choisis, mais fortement conseillés.


« Pensez à des adresses “soleil et crustacés“ ». Consigne simple mais challenge de taille surtout quand on est allergique à une grande majorité des coquillages comestibles. Par association d'idées, on se dit qu'en trouvant un comptoir où boulotter des poissons, sans arête, on devrait s'en sortir. Direction Andrézieux-Bouthéon, ni plus ensoleillée que Sainté en juillet, ni même plus connue pour ses langoustes, huîtres et autres palourdes, mais bien pour ses étangs de pêche. A l'entrée du joli parc des Bords de Loire, le restaurant Les Voiles affiche une cuisine maison, de saison et des options alléchantes, pas forcément issues du fleuve mais on aime, presque mieux, les espèces maritimes (consommées dans le respect de la saisonnalité, évidemment). Forcément, on mord à l'hameçon. 

Derrière une jolie baie vitrée et en bas quelques escaliers à descendre, la salle de réception principale se découpe par ses tables aux grandes nappes blanches, avec des chaises en velours, dans un camaïeu de bleus. La réservation, faite par email avec une réponse dans les 15 minutes, old school mais efficace, demandait « trois places en terrasse ». Immense la terrasse, protégée par un filet de camouflage pour avoir de l'ombre, les jours où ça cogne, ou créer un effet ombre et lumière, subtil pour un dîner entre amis ou en amoureux. 

Haddock, capitaine des entrées

Et pour les darons en manque de sortie, la terrasse possède une bande de sable où peuvent jouer les minis, sans s'échapper. Bonheur, histoire de savourer tranquillement sans se lever toutes les deux secondes pour éviter que l'un se carapate. D'ailleurs, l'ambiance est à la fête pour l'annonce de l'arrivée prochaine d'un(e) Verseau mais, solidarité oblige, on passe la soirée à l'eau pétillante (3 euros). Idéale pour se rincer le palais après quatre coups de cuillères dans un amuse-bouche façon verrine, composé d'une tapenade de tomates sur une solide base de chèvre frais. Peut-être que si on avait eu un Sam, on aurait trinqué avec une coupe de champagne (8 euros), en n'oubliant pas de demander le nom de la bouteille, étonnamment pas noté sur la carte.

Beaucoup d'hésitations à sa lecture, car trop alléchante : la serveuse reviendra trois fois pour prendre notre commande, sans jamais s'agacer (merci !). Allez, arrêtons de tergiverser : va pour le menu des Etangs (28 euros, 31 euros avec le fromage). En entrée, une salade Caesar, regrettée immédiatement après la dépose de l'assiette parce qu'on a manqué de clairvoyance. Bien sûr qu'on aurait dû craquer sur la « trilogie de tomates sur une barrette de mozzarella, haddock au pesto et aneth » !, cette préparation salée et fumée d'aiglefin change des propositions de nos récentes adresses. On lorgne aussi sur les cloches fumantes qui se lèvent sur la chaire brillante du “saumon fumé cuit minute, avec un caviar d'aubergines aux olives noires et ses petits croûtons”. Sans voiture à ramener, un verre de Mâcon Fleurs Blanches, (4.50 euros) aurait été parfait : 1- parce qu'on aime le chardonnay, notamment avec une appellation d'origine protégée ; 2- parce que, par le passé, la Bourgogne, dans un verre à pied, ne nous a jamais déçu.

Barbe à papa glacée

Le plat nous raccroche au thème des produits de la mer (ouf!) avec un « aïoli de poissons blancs et ses légumes croquants ». Impec : la chaire blanche de l'arrivage du jour absorbe un filet d'huile d'olive citronnée et épicée par le mélange de curry et curcuma, se marie avec des petites gousses d'ail juste caramélisées. En accompagnement, on retrouve les stars du potager : une carotte, un fenouil, un champignon, un brocoli et une courgette jaune, cuits à l'eau, présentés dans leur plus simple appareil, idéaux pour saucer dans l'aïoli, émulsion d'équilibre ici juste dosée. Si on avait dû se décider pour un accord mets-vin, on aurait tranché avec du sec régional, comme le Saint-Joseph blanc du domaine Pierre Finon (servi à la demi-bouteille, 28 euros). Pour les viandards, une de nos compagnes de table s'invite dans ces quelques lignes pour se faire l'avocat des ris de veau aux morilles, succulentes, avec leur linguine.

Parce que choisir, c'est renoncer, on refuse et on demande l'assiette gourmande quand vient l'heure de passer au sucré. Évitons les remords (ah le haddock !), ce sera un peu de tout. Une farandole de mini desserts à picorer arrive : ganache au chocolat, bouchée façon tarte au citron, crème brûlée verveine, salade de fruits. La plus belle surprise vient avec une boule de glace rose. De la fraise ? Non de la barbe à papa. Le goût nous intrigue, sans écœurer. Pas de regret, même si on reste un peu sur notre faim. On aurait dû sortir de nos dilemmes, se positionner et faire preuve d'une sagacité plus aiguisée en se tournant vers le vacherin glacé façon poire Belle-Hélène ou la dariole au chocolat et sa glace vanille. 

Au-dessus de la caisse, en attendant notre monnaie, on lit sur une des pancartes qui décorent le mur : « Les bons jugements viennent de l'expérience, l'expérience vient des mauvais jugements. » On reviendra, la prochaine fois, avec plus de bon sens et surtout sans concession pour nos doutes.

 

Restaurant Les Voiles, Chem. de la Petite Loire, 42160 Andrézieux-Bouthéon

 


<< article précédent
Deluxe : « Il faut donner l’opportunité aux artistes de gagner leurs sous avec leur musique »