Novembre : Profusion sur les écrans

Riche de ses cinq mercredis, novembre prévoit plus de quatre-vingt nouveautés ou reprises sur les écrans. Même si l'on n'a pas (encore) tout vu, il y a déjà matière à s'enthousiasmer. Abondance de biens ne nuit jamais.


Si l'on veut épouser des destins tragiques ou épiques inscrits dans l'Histoire ou le quotidien, alors ce mois cinématographique semble tout trouvé. Parmi les sagas au long cours, Couleurs de l'incendie de et avec Clovis Cornillac (le 9) offre une suite des plus honorables à Au revoir là-haut sur fond de Krach de 1929 et de montées du nazisme. Assumant un classicisme somptueux (et maîtrisé), la paire Lemaître-Cornillac offre à un aréopage d'interprètes mené par Léa Drucker une partition élégante et palpitante.

Tout aussi brillant, mais plus dramatique car inspiré par la tragédie du réel, le biopic animé Charlotte signé Éric Warin & Tahir Rana (le 9), narrant le parcours de la peintre Charlotte Solomon (1917-1943), assassinée dans les camps parce que juive, qui signa une fresque d'avant-garde considérée comme l'ancêtre du roman graphique. Bien qu'édulcorant certains détails (épouvantables) de son existence, ce film constitue un tour de force esthétique autant qu'un hommage au talent de l'artiste.

Ali Asgari de son côté inscrit son épopée dans le compte à rebours d'une journée, dans Juste une nuit (le 16), ou l'infernal casse-tête d'une jeune femme cherchant à cacher l'existence de son bébé à ses parents lui ayant annoncé leur visite surprise à Téhéran. Un film « à la Dardenne » prenant une résonance bien singulière avec l'actualité iranienne.

Plus près de nous, Nostalgia de Mario Martone (le 23) relate l'irrépressible retour à Naples d'un exilé confronté aux fantômes mafieux de sa jeunesse. Sa périlleuse tentative de se réconcilier avec son passé sera-t-elle couronnée de succès ? La prestation de Pierfrancesco Favino l'est assurément.

Vies et vues d'ici

Le périmètre plus immédiat de la famille est lui aussi le creuset d'aventures insoupçonnées. Telle celle de Coma de Bertrand Bonnello (le 16), geste expérimental post-confinement sur l'isolement numérique « hikikomoriesque » des adolescents, tenant de l'expérience sensorielle et subjective autant que de l'essai multi-médiatique ou de la lettre à sa fille.

Ou encore Les Miens de et avec Roschdy Zem (le 23), portrait de groupe d'une famille sans histoire moins soudée qu'elle en a l'air, se redécouvrant une raison de s'unir à l'occasion de l'accident frappant l'un d'entre eux. Accessoirement Zem offre ici le visage d'une France que l'on ne voit pas assez à l'écran et signe son meilleur film.

Enfin Le Lycéen (le 30) retrace par la semi-fiction un événement personnel intime de la jeunesse de Christophe Honoré. Un film d'hiver sur son printemps, entre impudeur et retenue, hors du temps comme souvent, mais cependant ancré aujourd'hui. Bref, paradoxal à son image. 

Au rayon documentaire, on notera Le Monde de Kaleb de Vasken Toranian (le 2) suivant le combat d'un tailleur parisien pour obtenir la régularisation d'une apatride et de son fils, indûment privés d'aides et de droits. Un monument d'humanité et de solidarité tranchant avec Mauvaises filles (le 23). Composé d'une collection de témoignages aussi édifiants que glaçants, ce film de Emerance Dubas dévoile la réalité des institutions religieuses dites « du Bon Pasteur » bien mal nommées eu égard aux traitements dégradants qu'elles infligèrent à leurs pensionnaires — des jeunes mineures placées jusque dans les années 1970. Autre « pensionnaire », Luma, la vache laitière qu'Andrea Arnold accompagne sans commentaire d'une mise bas à l'autre dans Cow (le 30). Sa réalisation « à hauteur de garrot » donne à réfléchir sur les conditions de vie animale dans les grandes exploitations. 


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Le Monde De Kaleb, à voir en salles le 2 novembre