Le procès Barbie dessiné

Dessiner pour nous permettre de voir. C'est qu'à fait Jean-Claude Bauer lors des procès Barbie, Papon et Touvier. L'occasion aussi de revenir sur l'encadrement législatif voulu par Robert Badinter sur la matière conservée de ces faits historiques.


Sabine Chwast veuve Zeltin a le regard dur, la tête droite et l'air véhément sur le dessin de Jean-Claude Bauer. Léa Katz-Weiss semble toute petite à la barre dans sa veste jaune. Fortunée Chouraki épouse Benguigui, les cheveux gris frisés cerclés d'un bandeau orange, pointe du doigt une personne que l'on ne voit pas. Il s'agit très probablement de Klaus Barbie (ou de son absence puisqu'il a refusé de comparaitre dès le troisième jour de son procès pour ne revenir qu'à la dix-huitième audience et au verdict). Toutes trois ont été saisies en plein témoignage par l'illustrateur Jean-Claude Bauer qui a suivi tous les jours, à Lyon, du 11 mai au 4 juillet 1987, le procès de celui qui sera le premier en France à être condamné pour crime contre l'Humanité. Elles étaient respectivement directrice de la colonie d'Izieu, mère de trois enfants raflés dans la colonie de l'Ain et déportée à Auschwitz ; la troisième avait 16 ans quand elle s'est rendue rue Sainte-Catherine à Lyon pour prévenir l'UGIF d'un contrôle d'identité quai Tilsitt. « Comment peut-on pardonner à un criminel comme ça ? Combien de familles il a détruit ? » a-t-elle questionné.

Leurs mots accompagnent ces dessins car les Archives Départementales du Rhône sont dépositaires de leurs paroles retranscrites lors de ce procès, puisqu'il a eu lieu sur ce territoire. C'est la loi. Si les dessins de l'aveu-même – sévère ! – du dessinateur sont encore « un peu maladroits », ceux des procès Papon puis Touvier sont plus alertes et la focale se fait plus large car c'est ce que réclame Antenne 2 qui diffuse ces illustrations en complément du reportage du journaliste Paul Lefebvre dans les JT.

Le dessin pour seul regard

Outre ces dessins, ce que les Archives documentent est la façon de transmettre un procès de cette importance en rappelant (et affichant entièrement) la loi que Robert Badinter a soumis aux deux assemblées et qui fut adoptée le 11 juillet 1985 dans la perspective du procès Barbie, arrêté en 1983. Est alors autorisé l'enregistrement sonore ou audiovisuel « à la condition que cet enregistrement présente un intérêt pour la constitution d'archives historiques pour la justice ». Caméra fixe, pas de montage donc pas de rushes. Neutralité. Ce n'est pas une source de travail pour le journaliste pour qui le dessin reste (encore aujourd'hui) indispensable pour voir ce qui se trame dans ces moments de notre Histoire commune et collective.

En fin de parcours, on découvre des planches d'une bande dessinée sortie en mai dernier, Klaus Barbie, la route du rat, illustrée par ce même Jean-Claude Bauer sur un scénario de Frédéric Brémaud, pour refermer avec brio ces trente ans de travail.

Regards pour l'Histoire, Aux Archives Départementales du Rhône jusqu'au 23 mars 2023 ;

Jean-Claude Bauer et Frédéric Brémaud, Klaus Barbie, la route du rat (Urban Comics)

 


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Maguy Marin : « regarder comment les choses qu'on ne voit pas se sont passées »