Ciné Décembre : Oh oh oh !

Si décembre en France risque fort d'être privé de “Disney de Noël”, il n'échappera pas à la vague Avatar : la voie de l'eau. Cela dit, il n'y aura pas que cela à découvrir en salle. La preuve avec cet assortiment sans doute concocté par la Mère Noël tant les héroïnes et réalisatrices y sont à l'honneur.


Pour mieux étayer nos dires, rien de mieux qu'un-contre exemple : Nos frangins (le 7), où Rachid Bouchareb poursuit son “Histoire complémentaire de France“ après Indigènes et Hors-la-loi puisqu'il revient ici revient sur le meurtre de Malik Oussekine par la police en 1986 mais également sur celui d'Abdel Benyahia la même nuit, qui fut alors occulté (y compris à sa famille) pour ne pas créer d'émeute. Dévoilant ce pan de passé honteux, Bouchareb rétablit certains faits et montre à quel point la violence d'État contemporaine n'a rien à envier à celle de jadis.

Restons dans la politique avec La (Très) grande évasion de Yannick Kergoat (même date), co-écrit par Denis Robert, documentaire édifiant expliquant les tactiques et mécaniques de “l'optimisation“ fiscale en Europe. Non seulement on comprend tout — jolie performance — mais en y gagne l'envie de voter en faveur d'une réglementation RÉELLEMENT intransigeante contre les paradis fiscaux, les fraudeurs et lobbyistes. Tiens, restons dans les pourris avec les jeux d'espions et de politique dont Nicolas Pariser raffole mais qu'il traite ici à travers un monde ludique entre la BD et La Mort aux trousses dans Le Parfum vert (le 21). Bourré de clins d'œil réjouissants, digne d'un Rappeneau grâce au couple Sandrine Kiberlain/Vincent Lacoste et mâtiné d'humour juif, c'est le thriller papillote des fêtes.

Tristesse et beauté 

Si l'on rigole moins face à certains films empreints de nostalgie ou de gravité, cela ne les empêche pas de déborder d'une insondable beauté qui nous les rend précieux et infiniment aimables. On ne parle pas ici de Corsage de Marie Kreuzer (le 14), d'autant qu'on aurait bien aimé l'apprécier, mais ce pseudo-biopic de Sissi maniéré et conceptuel faisant œuvre de “déconstruction“ en empilant ostensiblement les anachronismes ressemble à une vieille audace de la fin des années 1960 réchauffée.

Portons notre tendresse sur la sincérité de Mon héroïne de Noémie Lefort (même date), où la cinéaste romance sa propre aventure de fan de Julia Roberts partie à New York (avec sa mère) proposer à sa star un rôle dans son film. Du suspense, de l'auto-réflexivité et un côté conte de fées qui fonctionne : parfait pour les étrennes.

 

Autre premier long, Sous les figues de Erige Sehiri  (le 7) saisit lors d'une journée de cueillette de figues un précipité de la société tunisienne contemporaine à l'économie précaire, entre résidus d'archaïsmes patriarcaux et fragile émancipation féminine. Un ballet de personnages sur une scène à ciel ouvert qui en dit long en peu de temps. Le temps est la matière dont les mots d'Annie Ernaux sont faits dans Les Années Super 8 (le 14), le documentaire qu'elle signe avec son fils David Ernaux-Briot à partir des films familiaux tournés par son ex-mari durant les années 1970-1980 et qu'elle commente a posteriori. Un regard à la fois lucide, attendri, sévère et naturellement clinique sur ces images-témoins - le contraire de ce que Gaspar Noé pourrait faire, disons.

Restons dans la jeunesse avec Falcon Lake de Charlotte Le Bon (le 7), superbe film initiatique à la lisière du fantastique explorant les troubles adolescents avec délicatesse, certes, mais aussi une intranquillité lynchienne. Stella est amoureuse (le 14) permet à Sylvie Verheyde de prolonger le parcours de son “Antoin(ette) Doinel à l'âge du bac et de ressusciter l'atmosphère des Bains parisiens. Les quinquas apprécieront la B.O.

De son côté, Héloïse Pelloquet revisite la romance jeune homme/femme mûre dans son premier long La Passagère (le 28) en déjouant absolument tous les clichés de l'adultère et en filmant les corps avec un naturalisme rare — Cécile de France y est lumineuse en pêcheuse. Un ultime mot pour le meilleur film du mois : Joyland de Saim Sadiq (même date), Queer Palm inattendue venue du Pakistan narrant la romance entre un homme au foyer marié et une danseuse transexuelle. La perfection de la réalisation et des images vous fera croire au Père et à la Mère Noël.


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