Christian Duguay (Tempête) : "Ce que je recherche, c'est l'authenticité"

Lui-même ancien cavalier, le réalisateur Christian Duguay remonte en selle pour Tempête dans lequel une jeune fille née dans un haras en même temps qu'un cheval voit son rêve d'écuyère brisé par un accident la clouant dans un fauteuil. Au-delà du conte, un regard loin d'être inintéressant sur le handicap. 


Quelle a été la genèse de ce film ?

Christian Duguay : Le roman écrit par Chris Donner. Au départ, je voyais le sujet avec un peu d'appréhension puisque je l'avais déjà traité avec Jappeloup.  Et parce qu'on stigmatise un peu le milieu des courses, du PMU, des paris… On est parti dans ces terres incroyables où naissent les purs-sangs trotteurs, qui sont élevés avec amour ; on a rencontré la famille Levesque ou Pierre Vercruysse…  Tous ces gens qui vivent avec leurs chevaux et partagent le quotidien de l'animal... Et on s'est dit il y avait quelque chose d'intéressant à faire.

Mais ce qui m'a définitivement happé, c'est la “double naissance“ : cette mise en bouche est plutôt intéressante. Le livre est très axé sur le parcours  sur 17 ans d'un petit garçon. On a décidé Lilou Fogli et moi d'en faire la trajectoire d'une jeune fille, qui partage cette passion du cheval et du trot avec son papa, et on a emmené tout le monde dans une spirale après son accident. Cet enjeu-là pour moi est intéressant : non seulement ce désir de résilience de sa part, mais aussi cette unité familiale était extrêmement importante. 

Le parcours de Zoé, on l'a construit avec trois comédiennes — et je pense que c'est une des grandes réussites du film, grâce à leur talent incroyable. Elles se sont consultées, regardé travailler… Par ailleurs, avoir un couple comme Mélanie [Laurent] et Pio [Marmaï] pour jouer les parents, c'était primordial d'entrée de jeu.

Il y a une double présence du handicap : physique avec Zoé et psychique avec le personnage de Sébastien. Ce n'est pas anodin…

On a créé en plus le personnage de Sébastien, qui nous a amenés dans une zone un peu plus poétique, spirituelle, au contact avec le cheval. On a décidé de cela après avoir vu le film de Nakache & Toledano, Hors Normes, qui parlait d'autisme d'Asperger et d'équithérapie, mais aussi de cette hypersensibilité par rapport à l'animal ou des particularités de certains handicap qui font que, parfois, on se paralyse complètement face aux gens dans certaines situations. Sans l'écrire dans les dialogues, on comprend que Sébastien a été adopté par cette famille.

Quand j'ai vu ce film et le contact particulier que peuvent avoir des autistes avec les chevaux, j'ai compris qu'il y avait une façon de rendre ça palpable. Sébastien pouvait être notre vecteur, faire partie aussi de l'équation thérapeutique pour aider Zoé à vaincre ses démons et remonter en selle. Dans tous mes films — particulièrement dans celui-ci — ce que je recherche, c'est l'authenticité. On s'est interrogé pour savoir si, en fonction de son handicap, il était possible qu'elle remonte à cheval ; de mettre des orthèses avec sa brisure médullaire… La recherche a été exhaustive pour que ce soit réaliste. 

Avec la mère qui ramène Zoé dans l'eau pour sa “renaissance“, il était possible aussi de faire du cinéma, à condition de ne pas être trop poussif et de ne pas tomber dans le mélodrame. Je sais que c'est très dangereux, que la ligne est très fine. On a été pudique, simple et on est tous assez fier du résultat.

Concrètement, comment tourne-t-on avec des chevaux ?

On a eu l'aide d'un grand maître, Mario Luraschi, qui connaît bien les chevaux de spectacle. C'est vraiment l'homme qui murmure à l'oreille des chevaux ! Ce qu'il y a d'extraordinaire avec lui, c'est qu'il fait faire certaines chosese au cheval, le cheval les comprend ; ensuite il transmet l'action à l'acteur et  le lien se fait entre le comédien et le cheval. 

Il y a notamment des scènes avec Pio et Tempête dans le rond de longe, ou encore quand Belle-Intrigante vient retrouver Charlie : c'est vraiment le cheval qui la regarde. Elle qui appréhendait de jouer les émotions, les larmes lui sont venues toutes seules. 

Tous les comédiens disent avoir appris quelques chose sur tournage. Et vous ?

On apprend tout le temps. Même si je commence à être un peu vieux, on apprend au contact des acteurs à ne pas en dire trop, à en dire juste assez et à essayer de choisir le bon moment pour le faire. Parce que si on donne une direction au mauvais moment, ça déstabilise : il faut savoir s'ajuster et trouver la bonne seconde pour que l'on puisse ensemble faire vivre ces moment vraiment extraordinaires.


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