Même si j'en fais moins depuis que j'ai eu mes deux filles, je fais tout le temps de la musique. Au début de ta carrière, dès que tu as quinze chansons tu fais un album. Mais plus tard, sur dix chansons écrites tu n'en gardes qu'une seule parce tu en juges certaines pas assez bonnes, ou parce que certaines ne vont rien apporter de nouveau puisque tu as déjà dit certaines choses. Il faut donc que j'en fasse beaucoup pour être content de moi et décider de faire un disque qui prendra sa place à la suite des autres. Il s'agit donc de faire un gros tri. Il y a vingt ans ma maison de disque m'encourageait à sortir un nouvel album tous les deux ans, mais comme je pense ne plus faire partie des gros vendeurs je reste assez libre de ce côté-là et je me garde bien de sortir un album qui n'apporterait rien de neuf.
J'y tenais beaucoup. On est même en train de ressortir petit à petit tous les anciens albums en vinyle. J'ai chez moi des tonnes de CD et je ne sais pas quoi en foutre. Alors qu'un 33 tours, c'est un bel objet, jamais tu ne jetteras un vinyle ! Et puis d'ailleurs, même si ça fait peut-être vieux con de parler comme ça, personnellement je ne comprends plus grand-chose au business de la production musicale, au streaming, à la façon dont un album est travaillé de nos jours… Je suis pour l'instant toujours chez Warner, mais il se peut qu'un jour je m'autoproduise.
Je reste un bricoleur, c'est sûr, ma façon de travailler n'a pas bougé. J'enregistre à la maison et je finalise au Studio E, à Écotay-l'Olme, où l'on a conservé des synthés des années 80. Ce sont les sons de mon adolescence, que j'ai aimés et que j'aime toujours. Parfois je me dis qu'une fois dans ma carrière il faudrait que j'enregistre dans un gros studio où plein de super-groupes sont venus bosser. Mais ça ne me ressemble pas du tout, je ne suis pas un technicien de la musique, il me faut longtemps pour faire un truc qui sonne un peu. Je me revendique davantage comme un artisan que comme un musicien professionnel.
J'ai écrit plusieurs chansons lors d'un séjour au Liban, durant l'hiver 2019-2020. Le pays était alors en pleine ébullition et c'était juste après les gilets jaunes ici. J'y ai vu une sorte de parallèle qui m'a inspiré des textes à caractère forcément social. J'aime bien m'exprimer sur ce que je ressens, en même temps que sur ce que je vis et sur ce que je vois du monde. De moins en moins de chanteurs font ça et du coup on me traite parfois de démago sous prétexte que ce serait mieux de divertir les gens. Hey, excusez-moi de m'exprimer ! J'ai toujours été remonté contre la connerie humaine. J'aime bien dire que j'étais un adolescent de 45 ans qui tout d'un coup a eu des enfants ! Pourtant, même si ça change ton quotidien ça ne change pas qui tu es vraiment en profondeur. Je continue de manier une forme d'ironie, en gardant une grande admiration pour des mecs comme Coluche. Ce gars faisait marrer toute la France, mais dans chacun de ses sketchs il te faisait réfléchir et tu prenais une leçon. Face au marasme ambiant et à cette fin du monde annoncée, j'ai quand même espoir que les choses s'arrangent et qu'une nouvelle génération arrive pour tout renverser.
Mickey 3D - Nous étions des humains (Warner Music France / Parlophone / Moumkine Music), trois concerts complets les 8, 9 et 10 février, au Théâtre des Pénitents à Montbrison