Le rock est-il en train de mourir?

Figure de l'esprit rock stéphanois, ancien patron d'un célèbre club dédié au genre, Julien Haro nous fait désormais l'immense honneur d'une chronique mensuelle dédiée à ses coups de cœur musicaux. Branchez vos amplis, ce mois-ci, notre spécialiste est en plein questionnement.


Ecrire sur le rock donne parfois l'impression de tenir une sombre rubrique nécrologique… Et malheureusement, ce début d'année 2023 ne déroge pas à la règle. Pour tous les amoureux de cette culture, le mois de janvier s'impose comme une véritable hécatombe. Jeff Beck, David Crosby, Tom Verlaine ; en l'espace de trois semaines, notre musique de prédilection aura perdu trois de ses plus brillantes étoiles.

Alors, au moment difficile où il nous faut dire adieu à des artistes que nous adorons, il semble légitime de nous questionner sur ce qu'il va advenir du rock dans une dizaine d'années.
Cette culture, à l'instar de ses gloires désormais disparues, ne ferait-elle pas son entrée dans les livres d'Histoire et, telle une langue morte, ne se conjuguerait-elle plus au présent ?

Si le rock fut un brûlot politique prompt à exprimer le malaise et la révolte des jeunes générations pendant plusieurs décennies, de Elvis à Nirvana, en passant par The Clash ou The Cure, force est d'admettre que son aura s'est peu à peu effritée. Remplacé depuis près de vingt ans par le hip-hop et les musiques électroniques dans les charts, il ne semble plus vraiment à même d'incarner son époque.
Bien qu'il y ait toujours, et heureusement, des tonnes de formations d'excellente qualité, bien que les énormes festivals nous abreuvent de têtes d'affiche surannées, bien que Netflix nous ressorte régulièrement de vieux tubes au gré de ses programmes, il nous faut toutefois concéder que rares sont les artistes récents à atteindre le grand public, comme si leur message se trouvait désormais cloisonné dans une époque révolue, condamné à errer dans les couloirs du temps.

Sommes-nous des vestiges ?

Et, même s'il est difficile de l'admettre, ne sommes-nous pas, nous aussi, artistes, auditeurs, passionnés, les vestiges nostalgiques d'une époque que nous n'avons pas ou peu connue ?
Le public des concerts vieillit, les icônes de plusieurs générations deviennent octogénaires, les salles de concert sont de moins en moins nombreuses, la frontière entre les styles de moins en moins marquée et, petit à petit, grandit l'impression que quelque chose disparait, que la flamme s'amenuise.
Rares sont les moins de quarante ans à avoir déjà entendu le nom de David Crosby et la disparition de Tom Verlaine n'a pas vraiment bousculer l'actualité.

A une époque où l'industrie musicale semble être devenue l'esclave de la rentabilité, une musique ayant acquis ses lettres de noblesse par sa capacité à se révolter contre le système n'a peut-être plus rien à dire. Et sans message fort, finalement, le rock a t-il encore une raison d'exister ?


<< article précédent
Les Bons plans sorties de la semaine du 13 février