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Elena
Par Marc Chassaubene
Publié Vendredi 2 mars 2012 - 2461 lectures
Incroyable retour du réalisateur du Retour d’Andreï Zviaguintsev avec cette œuvre faussement tranquille et réellement subversive où la langueur contemplative explose face à la violence de classe. Pas loin du chef-d’œuvre ! Christophe Chabert
«Comme un oiseau sur la branche, j’ai essayé, à ma manière, d’être libre» chantait Leonard Cohen. Andreï Zviaguintsev commence effectivement par filmer longuement un oiseau sur une branche. Très longuement. Remonte le souvenir (douloureux) de son précédent Bannissement, sa Russie rupestre et mythologique, ses plans répétitifs… Souvenir qui se prolonge dans les premières scènes, où le cinéaste déploie sa précision photographique au service d’une lenteur trop calculée. On y découvre Elena aux petits soins avec Vladimir, vieillard glacial et autoritaire. Est-ce sa bonne ? Son épouse ? Les deux, en fait : Elena était femme de ménage mais a fini par se marier avec son employeur. Là encore, leur demeure bourgeoise figure une Russie hors du temps, figée, loin des temps présents. Et soudain, boum ! Elena sort, prend le métro et se retrouve de plain-pied avec le Moscou d’aujourd’hui. C’est un choc, que la mise en scène intensifie par des plans plus courts et la musique sérielle de Philip Glass, judicieusement employée.
Fracture ouverte
Le film prend alors son envol et ne redescendra plus des hauteurs. On découvre qu’Elena a un fils, un vrai beauf qui se reproduit comme un lapin et dépense tout l’argent que lui donne sa mère ; à l’opposé, Vladimir a une fille hautaine et distante, trop consciente de son statut d’héritière. Le nœud du drame se met en place, une fracture sociale que seuls les allers et venus d’Elena empêchent d’éclater au grand jour. Il y a du génie dans la manière dont Zviaguintsev fait basculer le récit : un plan fulgurant où un accident se produit l’air de rien, une conversation entre gens distingués qui vire au règlement de compte social et enfin, un climax en trompe-l’œil, dont le calme à l’image ne doit pas masquer l’incroyable violence politique. Car pour l’auteur, les deux mondes (les puissants arrogants et les pauvres revanchards) ne se feront jamais de cadeaux. Il choisit donc l’impensable : le crime comme moyen ultime de redistribution des richesses. Et le châtiment ? À d’autres… Zviaguintsev préfère rester cinéaste jusqu’au bout, et braquer sa caméra sur un personnage secondaire le temps d’une baston hallucinante au crépuscule et en plan-séquence. Scène extraordinaire qui montre que la violence est partout, feutrée ou ouverte, sociale ou littérale. À la fin, l’oiseau est toujours sur sa branche et Elena est un modèle de film libre.
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