Haneke ressort de la glace

Reprise opportune de La Trilogie de la Glaciation Émotionnelle de Michael Haneke, accompagnée de son film le plus polémique, "Funny Games", durant tout le mois d’octobre au Méliès : les prémisses d'une œuvre forte, paradoxale et inquiète. Christophe Chabert

Quand Benny’s video est sorti sur les écrans français, une décharge électrique a parcouru le cerveau des cinéphiles. Ou plutôt un tir de pistolet à grenaille, image à la fois centrale et manquante du film, d’abord montrée en vidéo pour l’abattage d’un cochon, puis laissée hors champ lors du meurtre d’une adolescente. On parlait alors de Bresson (pour le jeu blanc des comédiens), de Wenders (pour la réflexion sur l’image qui déresponsabilise l’individu)… Mais très vite, ce style et ces thèmes seront ceux de Michael Haneke, tellement reconnaissables qu’ils vont créer une foule d’imitateurs, dans son pays, l’Autriche, puis partout dans le monde — ce mois-ci, on pourra mesurer à quel point le jeune Michel Franco subit l’influence d’Haneke dans son Después du Lucía. Benny’s video était en fait le volet central d’une trilogie dite «de la glaciation émotionnelle». Avant, Haneke mettait en scène dans Le Septième continent le lent suicide d’une famille qui choisissait de disparaître comme elle avait vécue : avec la même désespérante routine existentielle. Ensuite, avec 71 fragments d’une chronologie du hasard, il donnait une forme plus conceptuelle à son cinéma, tissant les liens qui vont rassembler une poignée de personnages lors d’un même fait-divers sanglant. Mais la question du hasard est paradoxale chez un cinéaste comme Haneke, dont les films ne sont que contrôle omniscient et parfois surplombant, la main du metteur en scène étant semblable à celle d’un Dieu cruel.

Stop ou encore ?

Comme s’il rajoutait un post-scriptum à cette trilogie, Haneke tourne ce qui est sans conteste son film le plus polémique, ayant entraîné des débats acharnés chez les spectateurs. Funny Games raconte avec une précision terrifiante le massacre d’une famille autrichienne par deux adolescents, crimes commis sans réel motif, donc d’autant plus atroces. Haneke en fait autant des personnages du film que des metteurs en scène : l’un se tourne vers le spectateur pour lui demander si ce sadisme lui suffit ou s’il en veut encore ; le même, après la mort de son acolyte, s’empare d’une télécommande, rembobine le film et en modifie le cours. Pointant le public comme une assemblée de voyeurs se délectant de l’horreur sur l’écran, Haneke cherche à les faire réagir par tous les moyens, de l’overdose à la mauvaise conscience. Paradoxe toujours : Haneke veut que l’on voit son film pour mieux le haïr, pour ne plus avoir jamais envie de le revoir.

La trilogie de la glaciation émotionnelle
Au Méliès, vendredi 12 octobre

Funny Games
Au Méliès, du 25 octobre au 5 novembre

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