Odyssée de fin d'année

Parmi la masse des sorties de décembre, on trouve un divertissement familial signé Ang Lee, un demi-film muet portugais et une pochade à l’humour très noir de notre chouchou Ben Wheatley. Et déjà un coup de cœur pour janvier : le nouveau Laurent Cantet. Christophe Chabert

Dans cette chronique consacrée aux films de décembre, parlons d’abord d’un film qui sort… le 2 janvier ! Cinq ans après sa Palme d’or pour Entre les murs, Laurent Cantet revient avec Foxfire, adaptation en anglais dans le texte d’un bouquin de Joyce Carol Oates autour des «confessions d’un gang de filles» des années 50. Le film frappe fort, au-delà de tout ce que Cantet avait réalisé jusqu’ici ; en 2h23, le cinéaste allie souffle romanesque, réflexion sur l’utopie et ses limites lorsque la réalité vient la contrecarrer et souveraine maîtrise d’une forme qui fuit pourtant la maîtrise. Le récit, palpitant comme un bon thriller, semble s’inventer sous nos yeux, capté par une caméra mobile et incarné par une troupe de comédiennes débutantes mais remarquables, à l’énergie aussi intense que les lycéens d’Entre les murs. Grand film !

Tourisme sensuel

On aurait aimé dire la même chose du dernier Ang Lee L’Odyssée de Pi (19 décembre), mais le cinéaste, insaisissable, classique dans ses films personnels, expérimental lorsqu’il tourne des blockbusters, se tient dans un bizarre entre-deux face à cette adaptation d’un best seller longtemps convoité par Jean-Pierre Jeunet. S’il réussit des prodiges dans sa mise en scène, poussant la plasticité des plans jusqu’à les faire déborder du cadre, il s’avère plus laborieux quand il s’agit de raconter le cœur du film, où un enfant se retrouve seul avec un tigre sur un canot de survie au milieu de l’océan. Il faut attendre le dernier acte pour que les pistes amorcées au départ (un joyeux foutoir théologique) se transforme en déclaration d’amour envers la puissance du récit. Passe alors un beau frisson sur cette Odyssée de Pi. La force d’une histoire, c’est aussi ce que découvre en cours de film Miguel Gomes dans Tabou (5 décembre) La première moitié, laborieuse, empile les clichés du cinéma d’auteur moderniste ; la seconde est un enchantement total, Gomes s’offrant un long flashback en forme d’hommage au muet et à Murnau, avec une liberté de ton et une sensualité qui se mettent au service d’une superbe histoire d’amour. Terminons par notre cinéaste chouchou de 2012 : Ben Wheatley. Touristes (26 décembre) est son deuxième film à sortir sur les écrans cette année après le génial Kill list, et s’il n’en a pas l’ambition, il reste recommandable par son culot, son humour extrêmement noir, sa vision de la dépendance amoureuse et ses attaques répétées contre le mauvais goût british. Merry christmas, donc !

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