Les films de février

En février, à défaut de grands films, il y aura des artistes et de la musique sur les écrans. Et notamment dans un documentaire déjà culte exhumant Sixto Rodriguez, folkeux oublié et désormais légendaire. Christophe Chabert

En général, quand le cinéma s’intéresse aux artistes, cela accouche de bio filmées lourdes comme le plomb où la maxime de Sainte-Beuve — la vie explique l’art — est suivie d’aussi près que les manuels de technique scénaristique d’un Robert MacKee. Le Hitchcock (6 février) de Sacha Gervasi semblait promis au même sort, et pourtant il y échappe partiellement. S’intéressant à un moment clé de la carrière du grand Alfred — celui où il décide de réaliser Psychose — il montre un cinéaste plus préoccupé par le public que par sa propre postérité, défiant studios et censeurs non pour faire triompher son intégrité artistique, mais pour s’assurer garantir l’efficacité de ses effets. Le film est plus laborieux lorsqu’il se penche sur les relations entre Hitchcock et sa femme Alma, tirant vers un vaudeville assez artificiel. Il reste recommandable pour la légèreté de sa mise en scène et la bienveillance de Gervasi envers ses personnages. À l’opposé de ce divertissement ludique, Shadow Dancer (6 février) de James Marsh est une des bonnes surprises du mois. Avec une mise en scène d’une précision chirurgicale, Marsh suit les pas d’une terroriste de l’IRA chopée la main dans le sac explosif par le MI5 et contrainte de balancer ses frères de sang et d’armes si elle ne veut pas moisir en prison. La tension et le suspense irriguent sans arrêt les plans composés avec minutie et le film n’a pas peur d’aller au bout de sa noirceur pour peindre une époque où l’espoir de paix entre Anglais et Irlandais entraîna aussi une radicalisation de la lutte armée.

That’s all, folk !

En France, dit-on, tout finit par des chansons. C’est ainsi que le chef-d’œuvre de Victor Hugo Les Misérables est devenu une comédie musicale, dont l’adaptation anglo-saxonne donne lieu aujourd’hui à une transposition filmique signée Tom Hooper (13 février). Ça ne vaut pas grand chose, c’est même parfois ridicule, notamment quand les transitions entre les chansons se résument à une bouillie de plans montés à la serpe, mais Hooper arrache quelques instants de grâce lorsqu’il laisse tout l’espace à ses comédiens — Anne Hathaway chantant I dreamed a dream en un seul gros plan, ça flanque même un petit frisson. Le grand frisson, on le trouve dans l’étonnant Sugar man (20 février), documentaire à la recherche de Sixto Rodriguez, folkeux américain oublié des années 70 redécouvert à la faveur du culte qui l’entoure en Afrique du Sud. Le film de Malik Bendjeloul est un peu paresseux, mais Rodriguez, sa musique, sa philosophie de la vie, son rapport aux autres et à la notoriété, sont absolument fascinants. À l’âge de la retraite, il est en train de devenir une icône du rock, et Sugar man n’est que le premier acte de sa panthéonisation.

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