Train de Vie

La Vie d'Adèle - Chapitres 1 & 2
D'Abdellatif Kechiche (Fr, 2h59) avec Léa Seydoux, Adèle Exarchopoulos...

Le mois d’octobre va déborder de grands films sur les écrans, avec en pole position la Palme d’or cannoise et un film de SF aussi spectaculaire que politique. Christophe Chabert

Revenons quelque part en mai, à la sortie de la première projection de La Vie d’Adèle, chapitres 1 et 2. Sidération générale, émotion intense, impression d’avoir vu un de ces films qui vous marquent à jamais… Le 9 octobre, c’est le même genre de sentiments qui vous attendent : pendant trois heures, vous verrez vivre et grandir Adèle (Exarchopoulos, révélation), de son premier amant à sa love story fracassée avec Emma (Léa Seydoux, confirmation), dans une suite de séquences séparées par des ellipses coupantes, entremêlant flux vital et élan romanesque. Kechiche invente ici un naturalisme poétique où la mise en scène semble épouser les affects de ses personnages, comme si Adèle projetait sur le monde ses rêves et ses peurs ; c’est aussi une formidable peinture de tout ce qui peut séparer un couple, de la distance sociale à la distance tout court, du non-dit au trop-en-dire. Le film avance sur un fil superbement tendu, équilibrisme qui tient en haleine de la première à la dernière seconde. Un chef-d’œuvre, point barre.

La sortie de cette Palme d’or ne doit pourtant pas éclipser celle, le même jour, de l’excellent film de Denis Villeneuve, Prisoners. Après Incendies, le Québécois tente l’aventure américaine avec deux stars à son casting — Hugh Jackman, impressionnant, et Jake Gyllenhaal, un peu moins, mais quand même — pour un film noir très noir où un père de famille et un inspecteur de police tentent en parallèle de retrouver deux enfants disparus. Villeneuve, aidé par un scénario remarquable et une photo splendide de Roger Deakins, transforme la course contre la montre en une fable désespérée sur la contagion du mal, chaque personnage étant à un moment ou l’autre submergé par ces pulsions et ces émotions, ce qui le conduit à descendre au niveau de ceux qu’il espère confondre. Comme eux, on ne sort pas indemne de Prisoners.

Fin du monde : prochain arrêt

Le dernier ride de ce riche mois d’octobre, c’est celui d’un train avançant sans fin dans un monde revenu à l’ère glaciaire, dont les wagons sont autant de strates sociales vivant étanches les unes aux autres. Ce Snowpiercer (30 octobre), pour le génial cinéaste sud-coréen Bong Joon-ho (The Host, Mother), est l’occasion de créer un univers dont on découvre les «niveaux» au fil de la révolte des esclaves, emmenés par un Spartacus névrosé, anti-héros sombre et dépassé. C’est un principe de mise en scène, mais aussi une vraie posture morale : ne jamais avoir une longueur d’avance sur son protagoniste, pour faire éclater en fin de course un constat politique amer et pessimiste, qui rappelle le meilleur de la SF des années 70 — Soleil vert, notamment — la maestria visuelle en plus.

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