Salvo

Salvo
De De Fabio Grassadonia, Antonio Piazza (Fr, IT, 1h48) avec Saleh Bakri, Sara Serraiocco...

Un tueur de la mafia se prend de compassion pour la sœur aveugle d’une de ses victimes : polar épuré et minimaliste, Salvo affirme avec force ses partis pris radicaux de mise en scène, mais ne dépasse pas vraiment l’exercice de style. Christophe Chabert

Pas de musique, des plans cadrés au cordeau, un tueur hiératique, une peinture de mafieux terrés comme des rats dans des bunkers sans lumière… De toute évidence, Salvo ne cherche pas à gager l’héritage des années phares du polar transalpin, que ce soit du côté des séries B signées Lenzi ou Di Leo, ou de son pendant «noble» chez Rosi ou Pietri. Fabio Grassadonia et Antonio Piazza ont plutôt un penchant pour Melville et pour ses réinterprétations maniéristes par Johnnie To — une spectaculaire scène d’action, la seule du film, y fait d’ailleurs penser.

Salvo a pourtant une indéniable singularité, malgré ses références écrasantes ; elle tient beaucoup à la rigueur quasi-maniaque de la mise en scène, qui ne déroge jamais de ses partis pris initiaux, tous assez radicaux. Il y a donc un anti-héros froid nommé Salvo qui ne vit que dans la répétition de cérémonies allant d’un petit-déjeuner servi par un hôte obséquieux et visiblement tétanisé jusqu’à l’exécution de contrats pour un boss vieillissant et reclus. Il évolue au milieu du soleil sicilien comme un fantôme, étanche émotionnellement à la violence autant qu’à la beauté de son environnement. Mais quand il tombe sur la sœur aveugle et apeurée d’une de ses victimes, une lueur de pitié le traverse, et il choisit de l’épargner.

Cécité émotionnelle

L’opacité du personnage — et la prestation, génialement monolithique, de Saleh Bakri — empêche le film de se complaire dans le cliché facile du salaud en quête de rédemption. Mais ce qui impressionnait au départ — la foi des deux réalisateurs dans la puissance de leur mise en scène —finit par se retourner contre le film. L’alliance entre une trame minimaliste et ce goût pour un formalisme très rigide semble étrangler un propos en le soulignant à outrance.

Ainsi de ce jeu très transparent entre l’ombre et la lumière dans les séquences d’intérieur, véritable note d’intention filmée ou encore ce choix d’épouser le point de vue de l’aveugle en collant la caméra à son visage, comme si le spectateur pouvait à la fois éprouver sa terreur et la contempler.

C’est presque un trop plein de cinéma qui handicape Salvo, comme si le film se reposait sur sa propre virtuosité, jamais loin d’un pur et simple, quoique brillant, exercice de style.

Salvo
De Fabio Grassadonia et Antonio Piazza (It-Fr, 1h49) avec Saleh Bakri, Sara Serraiocco…

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