White bird

Gregg Araki continue son exploration des tourments adolescents avec ce conte vaporeux et mélancolique, entre bluette teen et mélodrame à la Douglas Sirk, où la nouvelle star Shailene Woodley confirme qu’elle est plus qu’un phénomène éphémère… Christophe Chabert

Après avoir atteint une forme d’accomplissement créatif avec le sublime Mysterious skin, Gregg Araki souffle depuis le chaud et le froid sur son œuvre. La pochade défoncée Smiley face, la joyeuse apocalypse de Kaboom et aujourd’hui la douceur ouatée de White bird résument pourtant autant d’états d’une adolescence tiraillée entre ses désirs et la réalité, entre le spleen et l’insouciance, entre la jeunesse qui s’éloigne et la vie d’adulte qui approche à grands pas.

C’est exactement ce que traverse Kat, l’héroïne de White bird : sa mère disparaît mystérieusement et la voilà seule avec un père bloqué entre douleur sourde et apathie inquiétante. Que faire ? Chercher la vérité ? Se laisser aller avec le beau voisin d’en face ? Traîner à la cave avec ses potes ? Préparer son départ pour l’université ? Ou rester dans la maison familiale hantée par ce fantôme encombrant ? Si Araki adapte ici un roman de Laura Kasischke, c’est surtout pour lui l’occasion d’arpenter les terres de la bluette adolescente, dont il force comme à son habitude les codes figuratifs.

Devant la caméra du cinéaste, tout est toujours plus explicite que chez les autres : le sexe, les genres, les différences sociales ou physiques … Quant à Kat elle-même, elle n’a rien d’une ado nunuche et assume en voix-off avec un solide cynisme sa vision du monde. C’est, pour son interprète Shailene Woodley, l’opportunité de créer une variante provocante — nudité et langage cru — des personnages qui l’ont rendu populaire, de la saga Divergente à Nos étoiles contraires, où elle était déjà formidable — elle l’est encore plus ici.

Mère et fille

Ce conte vaporeux se double d’un mélodrame à la Douglas Sirk retraçant la vie conjugale de la mère de Kat, campée par une Eva Green qui accepte avec courage de se vieillir à l’écran. Dépressive ? Insatisfaite sexuellement ? Prisonnière d’un mariage décevant ? MILF prédatrice ? Dans ces séquences, où Araki souligne le chromo de l’Amérique pavillonnaire, la frustration rode mais son objet constituera un basculement imprévisible dans le récit. Le portrait de la mère devient un miroir des questions que se pose sa fille, mais aussi un trou noir qui menace de l’engloutir si elle ne résout pas l’énigme de sa disparition. Et ce beau film mélancolique de raconter comment, pour devenir adulte, il faut aussi savoir, même symboliquement, «tuer» ses parents et s’affranchir des images que l’on a d’eux.

White bird
De Gregg Araki (Fr-ÉU, 1h31) avec Shailene Woodley, Eva Green, Christopher Meloni…

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