"À genoux les gars" : Sans piper mot

À genoux les gars
De Antoine Desrosières (Fr, 1h38) avec Souad Arsane, Inas Chanti...

Comédie / Film du mois de juin 2018 / Revenu du diable Vauvert, Antoine Desrosières signe une comédie à la langue bien pendue fouillant à bouche-que-veux-tu les désarrois amoureux de la jeunesse. Une histoire de fille, de mec, de sœurs, de potes, de banlieue hilarante et profonde (sans jeu de mot salace) à la fois.

Rim sort avec Majid et trouverait cool que sa sœur Yasmina sorte avec le pote de Majid, Salim. Rim en classe verte, Yasmina est pressée par Salim de lui prodiguer une caresse buccale et d’en faire profiter Majid. À contre-cœur, la belle y consent, à condition que sa sœur n’en sache rien. Seulement, Salim la filme…

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Entre ce qu’on tente de faire avaler ici par tous les moyens — sans distinctions, bobards ou appendices — et la profusion de discours dont chacun des protagonistes est le généreux émetteur, À genoux les gars tourne autour de l’oralité dans toutes ses acceptions. Et avec une singulière crudité, dépourvue cependant de la moindre vulgarité. C’est l’une des très grande habiletés de ce film causant vrai d’un sujet casse-gueule sans choir dans la grivoiserie ni le voyeurisme. Le mérite en revient à ses jeunes interprètes, et tout particulièrement aux impressionnantes Souad Arsane et Inas Chanti, également coscénaristes : leur inventivité langagière irrigue de sa verdeur spontanée et de sa fraîcheur percutante un dialogue essentiel à ce projet, que la moindre fausse note ou réplique trop écrite aurait disqualifié.

Le plaisir de la langue

En les écoutant, en incorporant leur tchatche, leur énergie, leur parler d’aujourd’hui comme leurs idées — car il ne faudrait pas croire qu’il n’y a là qu’une série de punchlines vides de sens —, Desrosières atteint ce degré de vérité restitué par Doillon dans Carrément à l’Ouest !, Kechiche dans certains films, Rohmer dans quasiment tous (mais dans un contexte radicalement différent) ; des œuvres ou la puissance du verbe, souveraine, commande à l’action.

À genoux les gars parle ainsi d’une jeunesse contemporaine de banlieue, issue de culture arabe mais non stigmatisée par ses origines, saisie par les pulsions et les tentations de l’âge, le goût pour les joutes en mode Marivaux X PNL, en intégrant l’éclosion progressive d’un féminisme émancipateur, porteur d’épanouissement. Le finale orgasmique (et poétique dans sa pudeur) tranche avec la vision socio-dramatique auquel nous sommes, à force, habitués. Voilà le genre de comédie dont on aimerait que les ados s’emparent : qu’il y arrivent échauffés par le soufre de l’argument et qu’ils en repartent un peu ébranlés, mais avec la banane. Si l’on ose dire…

À genoux les gars de Antoine Desrosières (Fr., int. -12 ans avec avert., 1h38) avec Souad Arsane, Inas Chanti, Sidi Mejai

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