"Gloria Mundi" : Un monde immonde

Portrait d’une famille de la classe moyenne soumise au déclassement moyen dans la France contemporaine, où certains n’hésitent pas à se faire charognards pour ramasser les miettes du festin. Un drame noir et lucide. Coupe Volpi à Venise pour Ariane Ascaride.

Autour de Mathilda, qui vient d’accoucher d’une petite Gloria, le cercle de famille s’agrandit mais ne se réjouit pas trop : les jeunes parents peinent à joindre les deux bouts, le père de Mathilda (qu’elle connaît à peine) sort de prison ; quant à sa mère et son nouvel homme, ils ne roulent pas sur l’or. Seuls sa sœur et son compagnon s’en sortent grâce à une boutique de charognards…

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Est-ce ainsi que les Hommes vivent ? Citer Aragon, l’aède communiste par excellence, a quelque chose d’ironique accentuant la désespérance profonde dont ce film est imprégné. Gloria Mundi s’ouvre certes par une naissance, mais ne se reçoit-il pas comme un faire-part de décès dans l’ambiance mortifère d’un deuil, celui des illusions collectives et de la foi en l’avenir ? Triste est l’époque que Robert Guédiguian nous montre en miroir, où sa génération — celle des actifs usés, sur le point de partir en retraite, incarnés par l’épatant trio Meylan/Ascaride/Darroussin — ne peut plus transmettre le flambeau de la lutte ni des solidarités généreuses à sa progéniture. Cette dernière, hypnotisée par les chimères libérales, s’est muée en soldatesque servile du libéralisme prête à partir “en marche“ pour faire fortune en essorant les plus pauvres (comme le couple Leprince-Ringuet/Naymarck, Thénardier modernes à la tête de leur magasin d’achat/revente), ou bien en étant pressurée parmi la masse ubérisées, à l’instar du malheureux personnage de Robinson Stévenin et de sa compagne enquillant sans fin les CDD.

De ce futur faisons table rase

Si l’Internationale ouvrière expire sous les assauts du capitalisme, demeure une guilde transfrontalière de cinéastes montrant la réalité moche et crue du monde où agonisent les classes populaires : Loach, Belvaux, Dardenne, Brizé, Guédiguian… Une liste d’obstinés lucides mais pas résignés, trouvant derrière la noirceur du quotidien d’infimes sursauts pour ne pas succomber. La lueur, ici, c’est qu’il y a encore des gens pour entendre et comprendre les erreurs, pour tendre la mains — pas beaucoup et peu de jeunes. Depuis Les Neiges du Kilimandjaro (2011), sa confiance en la relève semble ne cesser de s’émousser. Gageons qu’il ne s’agit que d’un coup de semonce pour réveiller des consciences à la rue. À la rue au sens figuré, mais qui pourraient bien reprendre le goût du sens propre…

Gloria Mundi de Robert Guédiguian (Fr., 1h47) avec Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin, Gérard Meylan…

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