De Gaulle à la p(l)age

Un demi-siècle après sa disparition, la figure tutélaire de la Ve République n’a pas disparu de l’horizon hexagonal. Elle se permet même d’étonnantes réapparitions spectrales via la petite lucarne…

Un destin hors catégorie, une stature de Commandeur assortie d’un profil de médaille, complétée par une diction de tragédien du Français, le tout couronné d’un aptonyme… Charles de Gaulle avait tout bon pour continuer à vivre par-delà les mémoires et au travers des images. Pour s’en convaincre, allumez votre télévision en ce mois de novembre 2020 : commémorations obligent, votre écran reprendrait presque les couleurs murailles de l’ORTF, ressuscitant le Général droit comme une croix de Lorraine dans des montages d’archives ici, des reconstitutions là, des biopics ailleurs…

Si l’on échappe au prime time avec Lambert Wilson sorti au cinéma en début de Covid (bénie soit la chronologie des médias), on a droit à la “série de prestige” commanditée par le service public pour retracer en six épisodes la geste et la gestuelle gaulliennes, De Gaulle, l’Éclat et le Secret. Une spéciale du chef, justement écrite par un ancien patron de France Télévisions (Patrice Duhamel) et un ex boss de France Inter (Jacques Santamaria), d’un classicisme révérencieux et d’une compassion prévisible qui, dès la première vision, ressemble à la rediffusion d'une dramatique. Oh, ce n’est pas que Samuel Labarthe démérite dans l’uniforme, et il y a même des emplois bien trouvés (Huster en Malraux et Jean-Michel Noirey en Debré compensent l’abominable Christophe Barbier en Peyrefitte), mais le côté exagérément didactique et esthétiquement surléché de la chose est aussi écœurant qu’un compliment de Stéphane Bern.

De Gaulle en short

Voilà pourquoi il vaut mieux zapper sur Arte à 20h50 tous les soirs de la semaine, histoire de déguster les savoureuses pastilles animées adaptées de la BD de Jean-Yves Ferri, De Gaulle à la plage. Ces modules de 2’30’’ présentent l’Homme du 18-juin en villégiature en Bretagne durant l’été 1958, traînant sa carcasse torse nu sous le soleil et sur le sable, au propre comme au figuré. Nostalgique de sa gloire passée et rongeant son frein de ne plus pouvoir guider la France, l’illustre vacancier déploie son lyrisme à la Chateaubriand face à l’onde, esseulé malgré sa famille, son aide de camp de Le Bornec, et son chien nazi, Wehrmacht.

Le parti-pris était déjà osé dans l’album, il fonctionne parfaitement à l’écran. La silhouette de menhir avachi du Général et son cheveu voguant au vent ; son attitude décalée, chevrotante et vieille France perdues dans l’ambiance congés-payés en font un excellent personnage burlesque à la Tati : tendre et absurde à la fois. D’aucuns hurleraient au sacrilège, voire accuseraient la chaîne franco-allemande Arte de se faire complice par cette kolossale Provokation d’un crime de lèse-majesté : ils ne comprendraient pas la portée ni le sens de l’affectueux hommage rendu à cette icône nationale, dépourvu de pompe courtisane. Uderzo ne s’est pas trompé en confiant à Ferri dans la foulée l’écriture des scénarios d’un autre trésor national, Astérix.

D’une grande fluidité, respectant le trait épuré des strips, la série a été signée par Philippe Rolland en collaboration avec l’auteur, et conçue pour une grande partie dans les studios Xilam de Lyon — ou plutôt de Villeurbanne au Pôle Pixel, ceux-là même qui avaient vu naître J’ai perdu mon corps sorti il y a un an tout juste, et qui donc confirment qu’ils en ont encore sur le képi.

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