Tout le monde il est beau (et le design plein d'empathie)

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Cité du design

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Thème annoncé de la huitième édition, « L’empathie ou l’expérience de l’autre » est donc le prisme par lequel les différentes expositions ont été pensées et sélectionnées. Six acteurs de la Biennale 2013 s’expriment sur le sujet à travers leurs propres expériences. Propos recueillis et traduits par Niko Rodamel

Choisir le thème d’une Biennale du Design ne doit pas être une mince affaire. Il convient trouver l’idée, le concept suffisamment universel (certains diront « vague ») pour n’enfermer aucun des champs du design actuel, mais aussi suffisamment évocateur pour donner une unité à l’ensemble des expositions programmées en un même lieu, permettant par la même occasion aux biennales successives de se différencier les unes des autres et de s’inscrire dans les mémoires. Nous avons interrogé sur le sujet quelques-uns des commissaires d’expositions de l’édition 2013 : matali crasset (Nano Ordinaire), le britannique Sebastian Bergne (Design with heart), Thierry de Beaumont (commissaire scientifique au sein de Particule 14 pour l’exposition L’âge du faire), Pierre Garner (Traits d’union / objets d’empathie), Bernard Laroche (membre du collectif Designers+, exposition Sixième Sens, ) et enfin Noémie Bonnet-Saint-Georges (projet Anomalie et co-scénographe de Singularité, ARTIFACT et JE-VOUS-DESIGN).

Parole de designer(s) !

Selon Thierry de Beaumont, «le thème de l’empathie est en vogue chez les sociologues, mais un peu plus délicat pour les designers ! L’intuition de l’empathie remonte à des temps très anciens et elle a un rôle fondamental dans l’apprentissage : on ne se voit pas marcher, par exemple, mais on l’apprend très vite en regardant les autres. Le plus important dans ce réveil empathique, c’est qu’il rassemble les sciences humaines et les sciences dures sur un terrain de jeu commun. Neuroscientifiques, philosophes, anthropologues, sociologues ont trouvé là le moyen de communiquer plus sereinement. Alors pourquoi ne pas y ajouter les designers ?

Leur mission est de plus en plus humanisée et responsabilisée. La première mission pour Particule 14 fut de ne pas confondre empathie avec sympathie, puis de réfléchir sur cette incarnation simulée et son évocation par la matière et les formes.» Sebastian Bergne, lui, avoue avoir été tout d’abord assez surpris : «Initialement je n’ai pas vu comment appliquer ce thème aux objets et au design. Mais, en y réfléchissant bien j’ai pu petit à petit y trouver une interprétation plus personnelle. En tant que designer de produits fabriqués en grandes séries, j’ai beau créer des objets dans l’espoir de provoquer une réaction chez les gens, toute la difficulté réside dans le fait que j'ai rarement l'occasion de connaître leur ressenti car je ne suis plus là au moment où ils interagissent avec mes objets.»

Pierre Garner explique que «cette thématique nous a donné l’occasion de porter un regard plus transversal sur quelque chose de plus immatériel, de l’ordre de notre relation à l’objet, de sa raison d’être, de sa capacité à véhiculer du sens et être en résonnance avec les préoccupations de l’époque, donc d’être un trait d’union entre l’individu et son environnement. Il ne s’agissait plus d’aborder le design avec l’angle d’approche habituellement axé sur l’usage, la fonction et le process, qui domine souvent quand on expose le design industriel.» 

Bernard Laroche précise : «après 2010 et le thème de la téléportation qui renvoyait à toutes les techniques permettant le don d'ubicuité, le choix de l'empathie recentre finalement la Biennale sur l'Homme et sa diversité. Lorsqu'il observe les usages, le designer doit faire preuve d'empathie, comprendre le ressenti de l'autre. Mais il doit aussi garder du recul pour pouvoir créer et proposer d'autres solutions plus adaptées.» Ce qui paraît plus qu’une évidence pour Noémie Bonnet-Saint-Georges : «un designer doit forcement se mettre à la place de l'autre pour essayer de trouver des solutions améliorant le quotidien de ses congénères, en s’imaginant par exemple se trouver à la place de celui qui se coince les doigts dans la porte !»

Quant à matali crasset, la designer semble très à l’aise avec l’empathie, qu’elle pratique naturellement depuis fort longtemps : «le premier projet que j'ai formalisé autour de l'empathie date sans doute de 1994, avec The empathic chair. C'est une notion qui m'est chère et proche. Dans mon rapport aux objets, j’ai toujours travaillé sur la notion de fonction élargie. J’ai cette intuition qu’une fonction par objet ce n’est pas assez généreux et que la multifonction n’est pas non plus la solution. Je préfère travailler à réinventer la fonction. Au lieu en effet de chercher à tout prix à symboliser une fonction par une forme et à respecter les codes de chaque secteur (par exemple une radio, évoquant le son, ne sera jamais dessinée comme un grille-pain qui lui évoque la chaleur), je tente de retrouver, dans l’imaginaire, la force des usages. Cela demande une grande rigueur intellectuelle mais cette complexité du processus de création rend le travail passionnant.»

Expérience(s) de designer

Lorsque l’on demande aux designers quelles ont été leurs plus fortes "expériences de l'autre" dans le cadre de leur travail jusqu'à aujourd'hui, leurs réponses soulignent bien l’état d’esprit naturellement collectif de ceux qui oeuvrent et créent en équipe. Pierre Garner estime que « l’expérience de l’autre est une réalité quotidienne quand on travaille comme nous en studio, sans hiérarchie, dans une totale complémentarité et flexibilité. » Ce que semble confirmer Noémie Bonnet-Saint-Georges : « travailler en open space et faire en sorte que tout se passe bien, avec nos différences, nos défauts, mais aussi notre savoir-faire et notre bonne volonté, pour un même projet, c’est déjà une belle preuve d’empathie. »

Bernard Laroche reconnaît que « un commissariat d'exposition à plusieurs comme celui que nous avons réalisé est une formidable occasion de se frotter à l'expérience de l'autre. Le succès de Designers+ est justement le résultat d’une mise en réseau réussie de professionnels concurrents qui ont su s'ouvrir à l'expérience de l'autre pour devenir complémentaires. » Se remémorant certaines de ses réalisations passées, matali crasset entrevoit de plus en plus son métier « comme celui d’un accoucheur, d’un maïeuticien. Il s’agit de moins en moins de mettre en forme de la matière, de l’esthétique, mais plutôt de faire émerger, de fédérer, d’organiser, autour d’intentions et des valeurs communes, des liens et des réseaux de compétences, de connivence, de socialité. »

 

Repères

Quelques chiffres de la Biennale 2010

- 40 pays représentés à travers 650 projets de 450 designers et 150 entreprises exposantes
- 85 000 visiteurs dont 15000 élèves accueillis, 42 délégations internationales et 300 journalistes

Chiffres clés de la Biennale 2013

- 51 expositions dans 60 lieux et 3 circuits dans la ville 18 jours (dont 3 week-ends)
- 29 rendez-vous incontournables
- 29 commissaires d’exposition et 5 prix décernés

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