Marc Chassaubéné : « Les artistes ont une hauteur de point de vue dont nous avons tous besoin »

Politique / À la suite de la réélection en juin dernier de Gaël Perdriau à la mairie de Saint-Étienne puis à la présidence de Saint-Étienne Métropole, Marc Chassaubéné a été conforté en tant qu’adjoint à la culture de la Ville de Saint-Étienne et vice-président de Saint-Étienne Métropole en charge du design et du numérique. En cette rentrée, nous avons voulu en savoir davantage sur les orientations de la politique culturelle stéphanoise pour les mois et années à venir. 

À la vue de la situation sanitaire actuelle, où en êtes-vous concernant les structures culturelles municipales et métropolitaines ?

Si vous m'aviez posé la question hier [l’entretien a été réalisé le 3 septembre dernier, NDLR], je n’aurais pas été aussi positif. Mais ce matin, je le suis particulièrement car nous avons ouvert hier la billetterie pour les abonnés à l’Opéra et il y avait une file d’attente énorme, qui s’étirait jusqu’au parking. C’était incroyable et nous ne nous attendions pas à cela. On ressent une attente du public alors que jusqu’à présent nous étions inquiets sur ce point. Je ne crois pas que ce soit dû à l’annonce gouvernementale de la fin des distanciations, mais je vois plutôt un besoin de retrouver un lien avec la culture et le monde extérieur. Je crois qu’à force que tout le monde ait un point de vue sur le masque, une potentielle seconde vague, sur le monde d’après… les gens sont un peu fatigués de tout cela et sont par contre prêts à se confronter à des interrogations plus poussées, avec une certaine hauteur. Ce que peuvent porter les artistes. J’y crois beaucoup. Les artistes ont une réaction moins directe et brutale, avec une hauteur de point de vue dont nous avons tous besoin.

Pour les « grosses » structures publiques, il y a une reprise qui peut s’effectuer de manière quasi normale. Qu’en est-il pour les plus petites ou les privées avec qui vous êtes en contact ?

C’est plus compliqué. Là où les structures publiques peuvent se permettre de maintenir des distanciations afin de rassurer le public, ce que nous allons mettre en place à l’opéra par exemple, dans les salles privées c’est bien plus difficile. Pour elles, à partir du moment où la jauge n’est pas complète, elles n’équilibrent pas. On sent cette inquiétude qui est également très palpable pour les festivals qui ne peuvent pas se permettre de demi-jauge non plus. En tant que collectivité, nous devons donner l’exemple en ouvrant les salles afin d’encourager les gens à revenir, en les rassurant. Par contre, du point de vue des structures privées, elles sont dans l’obligation de jouer la carte de la sécurité et ont raison de le faire. Il y a vraiment deux attitudes différentes et c’est maintenant que les structures publiques doivent montrer l’exemple.

Lors du mandat 2014/2020, avez-vous le sentiment d’avoir pu mener à bien l’ensemble des projets que vous aviez ?

Oui, tout à fait. Nous sommes allés au bout de tous les projets et objectifs que nous nous étions fixés. Nous avons même pu aller parfois au-delà en voyant des projets émerger en cours de mandat. C’est une satisfaction totale et une reconnaissance du travail des services de la Ville de Saint-Étienne où les gens sont impliqués, volontaires et efficaces. Il faut le dire car la fonction publique est parfois malmenée dans l’opinion publique.

Le travail qui sera mené correspondra à une meilleure identification de la part du public des initiatives existantes conduites de la part de nos institutions : les ateliers, les opérations de médiations, etc.

Trois ouvertures majeures vont se succéder à Saint-Étienne : la Comète dans l’ancienne Comédie, la Maison du patrimoine et des lettres dans la « Maison François 1er » et Explora, au-dessus du Musée de la mine. Que va-t-on y trouver ?

Malgré le confinement, ces dossiers ont été finalement peu impactés, simplement des ouvertures légèrement décalées. Concernant La Comète, c’est sans doute le marqueur le plus fort de notre intention politique qui est de retrouver une accessibilité à la culture tout à fait libre et spontanée. Nous voulions que ce soit un bâtiment transparent et ouvert sur le quartier. Ce sera un lieu avec un accès pour tous, le plus large possible. L’idée est que l’on va rentrer à La Comète en se disant « je veux pratiquer d’un instrument, faire du théâtre, voir comment se déroule une répétition de pros… » et que l’on va pouvoir faire tout cela sans barrière. L’ouverture est prévue début 2021 avec la présence de l’École de l’Oralité, la Fabrique musicale, les compagnies émergentes stéphanoises, le département danse et théâtre du Conservatoire, le Solar [club de jazz animé par Gaga Jazz, NDLR], le Bureau d’informations jeunesse, les harmonies, etc. Enfin, l’objectif affiché est que chaque salle disponible soit mise à disposition de tous et pas seulement pour des activités culturelles. On pourra y répéter ou travailler une soutenance de mémoire par exemple, moyennant un tarif de l’heure symbolique.

Concernant la Maison François 1er, c’est une belle fierté pour la Ville. C’est tout d’abord une promesse faite de doter Saint-Étienne d’un Centre d’interprétation de l’architecture et du patrimoine, un CIAP. C’était la condition sine qua non du label Ville d’art et d’histoire, condition qui n’avait jamais été remplie jusqu’à aujourd’hui. Ce CIAP aura la particularité d’être presque entièrement numérique. Il y aura quelques éléments physiques mais surtout des interactions numériques. L’objet de ce lieu est de comprendre l’évolution de Saint-Etienne depuis l’ère médiévale jusqu’à aujourd’hui. On veut lier cette dimension patrimoniale à une dimension sociale. Le principe est de dire si aujourd’hui nos enfants sont dans une telle violence sociale c’est qu’ils ne savent pas réellement d’où ils viennent et quel a été le chemin parcouru. Redire le récit de Saint-Etienne dans son ensemble. Cela n’a jamais été fait auparavant. L’ouverture est prévue également au début de l’année 2021.

Enfin, Explora répond d’une intention politique de redire la nécessité de la culture scientifique dans notre société. Nous sommes à l’heure des fake news, des théories complotistes et nous avons plus que jamais besoin de contrer l'expansion phénoménale de ces informations délirantes par des faits et la connaissance. C’est vraiment cela l’objet d’Explora. La connaissance que l’école n’a pas le temps ou les moyens d’expliquer. C’est bien que ce soit également en dehors de l’école. Ce lieu doit être un territoire d’expérimentations qui va appartenir aux enfants et aux familles, et stimuler leur curiosité. C’est aussi un lieu dédié aux enseignants. Explora permettra de redire des principes physiques simples avec des zones et des labos d’expérimentations. L’ouverture est également prévue au début de l‘année 2021 sur un site majeur, à côté du Musée de la mine, afin d’ancrer ce bâtiment avec la question des énergies renouvelables mises en parallèle des énergies fossiles et le rattacher à l’histoire de la ville.

Nous sommes à l’heure des fake news, des théories complotistes et nous avons plus que jamais besoin de contrer l'expansion phénoménale de ces informations délirantes par des faits et la connaissance.

Sur le précédent plan de mandat, vous aviez prévu l’extension du Musée d’art moderne et contemporain (MAMC) et d’un festival international de la création cinématographique indépendante. Est-ce toujours d’actualité ?

Oui, c’est toujours à l’étude pour le MAMC. L’idée n’est pas tant de faire une extension et de créer de nouvelles salles d’expos. Il s’agit de donner de meilleures conditions de conservation de nos réserves et de les mettre davantage en valeur. Qu’elles soient à la hauteur de la 2nde collection d’art moderne de France. Les études sont en cours et nous avons des estimations d’enveloppe. Concernant la seconde proposition, nous avons clairement assumé d’abandonner plusieurs projets de festivals. Au moment où de nombreux festivals se trouvaient face à des difficultés financières importantes, il nous paraissait aberrant de créer un nouveau festival. Nous avons seulement gardé Pléiades, le festival d’arts numériques qui permettait d’encourager la jeune création, l’innovation tout en faisant vivre le centre-ville à la suite de difficultés accumulées de désertification et des mouvements des Gilets jaunes. En plus de s’adosser à des partenaires déjà présents sur le territoire comme Positive Education.

Quels sont les grandes lignes du plan de mandat pour les 6 prochaines années en matière de culture ?

Sans trop en dévoiler, il sera orienté vers deux priorités. Tout d’abord, l’Éducation artistique et culturelle. Souvent on se méprend sur ce terme en pensant que c’est l’éducation que l’on donne aux enfants de ce point de vue-là. Ce n’est pas cela mais l’accès à la culture pour tous, tout au long de la vie, de manière simple et décomplexée. Le travail qui sera mené correspondra à une meilleure identification de la part du public des initiatives existantes conduites de la part de nos institutions : les ateliers, les opérations de médiations, etc. Et parallèlement, l’encouragement de mise en place de nouvelles initiatives pour favoriser l’accès de la culture à tous les publics, à tous les âges et dans toutes les situations. Par exemple, pour les publics empêchés, ça passera par un élargissement de la convention culture & santé que nous avons avec le CHU aux EHPAD ou structures qui interviennent dans le domaine social. C’est un plan assez important qui devrait permettre à chacun d’accéder facilement à la culture. Ensuite, l’autre axe de ce plan de mandat sera le patrimoine. L’idée est de mettre un accent fort pour prendre soin de notre histoire et l’ouverture d’un lieu dédié à la transmission de la mémoire et qui se trouvera dans l’IGH – Immeuble de grande hauteur – de l’avenue Emile Loubet. Il regroupera les archives municipales, le mémorial de la résistance et de la déportation et l’association Histoire & patrimoine. Ce projet rejoignant ce que je disais auparavant sur l’importance de savoir d’où l’on vient.

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