À perdre Hagen

Musique / En vedette américaine mais surtout allemande, le Rhino Jazz accueille cette semaine Nina Hagen, la reine des punks passée par tous les états de la pensée et de la musique. Stéphane Duchêne

Pas facile de s'inventer un avenir, de le transformer en présent perpétuel, quand on a prôné si fort le No Future. C'est sans doute pourquoi l'on voit encore aujourd'hui quelques vieux punks, la crête ratatinée, vociférer sur les scènes à plus de 50 balais. Certains, poussés par une sincérité radicale, d'autres comme John Lydon, anciennement Johnny Rotten des Sex Pistols, par la certitude de ne rien savoir faire d'autre. Et peut-être un peu aussi par un opportunisme bon teint enseigné sans doute par le gourou Malcolm McLaren. Plutôt que de toujours s'entêter dans la voix punk, Nina Hagen, elle, a cherché tous azimut. Certes, elle est toujours peu ou prou cette Gorgone terrifiante et un peu grotesque, image qui a fait sa gloire. Mais elle a traversé, se cherchant comme peu avant elle, toutes les lubies, tous les styles. Punk allemande née dans une famille d'origine juive (mais athée) d'Allemagne de l'Est, Nina Hagen a été bouddhiste (sa fille en héritera un prénom à coucher dehors en équilibre sur un bambou) ; a cru à l'avènement des extra-terrestres, animant des émissions sur le sujet à la télé britannique (entre deux jurys de Popstar) ; a vécu des expériences démoniaques lors d'un passage en Inde et vient de se convertir au protestantisme.

Jésus personnel

Musicalement ? C'est à l'avenant, même tambouille un peu mélangée, baeckeoffe de styles en sous-couches : égérie teutonne du punk qu'elle convertit à la langue allemande, elle s'immortalisa avec son célèbre... "African Reggae". Ensuite, Nina Hagen a enregistré des disques de swing ou de chants chrétiens, composé l'hymne d'un club de foot ou encore chanté "L'Opéra de Quat'sous" ou du Sinatra ("My Way", déjà fracassé par un Sid Vicious qui ne l'était pas moins). Puis enchaîné avec des disques de new wave rap, d'électro dance ou de chants indiens. On peut se demander qui a bien pu écouter ça, mais le fait est qu'Hagen est toujours là, accueillie comme un totem au Rhino Jazz, par exemple. Cette fois, conversion oblige, elle nous dévoile sur son dernier album son Jésus personnel. Qui a vrai dire n'est pas le sien puisqu'il s'agit de celui de Depeche Mode, "Personal Jesus", le titre qui convertit le groupe londonien aux guitares sur l'album Violator. Mais Nina l'emprunte et le fait sien pour symboliser son nouveau bonheur protestant. Comme elle en emprunte d'autres, puisqu'il s'agit d'un album de reprises lorgnant vers le blues et surtout le gospel. Dispersée ? Pas tant que ça, quand on l'entend y reprendre d'une voix de Dolly Parton irradiée, Woody Guthrie et son "All you fascists bound to lose". Comme quoi, malgré les chemins de traverse, on ne se refait pas.

Nina Hagen
Au Fil (Saint-Étienne), mercredi 6 octobre
«Personal Jesus» (Universal)

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