James Martin, Keep on Rockin'

Incontournable parmi les figures tutélaires de la scène rock et musicale stéphanoise, James, dirigeant du Thunderbird Lounge, est un personnage attachant et entier. Avec un parcours atypique, cet Américain installé depuis plus de trente ans au pays des fromages qui puent, en connaît un rayon sur la musique et le rock. Portrait d'un véritable passionné.

Sa réponse fut assez simple mais une des plus belles que nous ayons reçues en retour d'une demande d'interview. Un simple mail avec ce texte sobre et efficace : « OK for me, James », accompagné d'un lien Youtube menant vers le titre It's O.K. du groupe punk-rock de Portland (en Oregon), Dead Moon, actif de 1987 à 2006. Le clin d'oeil est truculent, pousse forcément à sourire et résume finalement assez bien le caractère du personnage : passionné, accompagné fidèlement par son accent américain typique ainsi que ses rouflaquettes rappelant son amour pour le rock'n'roll.

Car il est une bible vivante du rock sous toutes ses formes, depuis le stoner jusqu'au hard rock. James Martin (de son nom complet) en connaît un rayon. Il suffit de jeter un coup d'oeil à la programmation de son bar-concert, le fameux Thunderbird Loung, qu'il a créé en 2005 rue Denis Escoffier en plein centre-ville, avec la volonté de donner à Saint-Étienne un bar qui rappelle ceux des 70's aux USA et où l'on se sent immédiatement bien. Avec une salle de quatre-vingt places debout située en sous-sol, le bar accueille chaque année plus de trois cent concerts dont quatre-vingt pourcents avec des groupes étrangers, venant parfois de très loin (Europe entière, Brésil, États-Unis "of course", Australie ou même Singapour et Japon). Oui, vous avez bien lu ! Ce qui nous fait dire - sans trop de risques - que le Thunder' est un des lieux de diffusions de musique accueillant le plus de groupes par an à Saint-Étienne. Précisons que l'ensemble de ces concerts s'organisent sans aucune aide publique.

Une référence incontournable du circuit rock

Si autant de groupes sont à l'affiche du bar de James, c'est pour la simple et bonne raison que ce lieu possède un caractère emblématique. C'est une scène référente dans le circuit du rock indé avec une identité propre, se tenant un peu à l'écart volontairement pour conserver une véritable authenticité. Et le résultat est là. Comme le natif du Texas l'explique lui-même, « je n'appelle jamais aucun groupe, ce sont directement eux ou les maisons de disques qui nous sollicitent pour une date. Notre position géographique, au croisement des chemins de l'Europe, nous facilite la tâche. »

Je me souviens d'un groupe de six Norvégiens, tous des mecs, qui ont fini par faire l'amour tous ensemble, enfermés dans ma salle de bains »

Des formations qu'il héberge pour la plupart chez lui après leurs prestations. Ce qui a laissé d'ailleurs quelques souvenir épiques... « Je me souviens d'un groupe de six Norvégiens, tous des mecs, qui ont fini par faire l'amour tous ensemble, enfermés dans ma salle de bains mais aussi d'une formation composée de treize Espagnols qui ont vidé ma cuisine... Je les ai mis dehors (rires). » Ou d'autres moins insolites mais tout aussi marquants : « Le concert le plus fort de l'histoire du Thunderbird reste la venue de Métal Urbain en 2007 », explique James. « À cette époque, il y avait encore une culture punk dans la ville. Désormais, c'est un peu terminé tout ça. Notamment depuis le départ d'un acteur local tel que Captain Bob de Radio Dio qui était très actif pour faie bouger la scène local... » Malgré tout et même s'il reconnaît qu'il a souvent été difficile de « tenir un établissement avec un style qui peut paraître provocateur, hors des circuits classiques », James a poursuivi son activité coûte que coûte et son bar existe depuis onze ans maintenant.

Du Texas à Saint-Étienne

Né au Texas en 54, James a ensuite bourlingué dans une trentaine d'États américains avec sa famille, son père étant alors dans l'US Army. Cette expédition se termine en Californie du Nord où il s'installe, avant de partir faire une pige à Montpellier puis de revenir dans cette région qui lui tient à coeur, presque plus que son Texas natal, où il ne sera resté que les quatre premières années de sa vie. La Californie lui forgera aussi un goût affûté pour les bonnes bouteilles. Il suffit, pour s'en rendre compte, de pousser la porte du Thunderbird Lounge. On est de suite frappé par la quantité de bonnes bouteilles qui trônent sur le bar à la déco soignée. « Nous avons une cinquantaine de whiskies millésimés, une trentaines de gins et environ deux-cent bouteilles de rhums différentes... » Oui, James est un épicurien et un bon vivant ! Au-delà d'être un fan absolu de rock'n'roll et un des plus emblématiques barman de Saint-Étienne, il possède également un palais délicat qu'il a affiné au cours des années, notamment en étant sommelier de deux restaurants à San Francisco et à Seattle qu'il avait montés à la fin des années 80, avec un ami cuisinier. « Lorsqu'on habite en Californie du Nord, on se forge assez facilement une expérience du vin et la restauration. C'est une région avec de très bons crus et les Américains le savent bien. » Pour l'anecdote, son expérience dans la restauration ira même jusqu'à rester quelques jours en stage dans les cuisine de Georges Blanc à Vonnas dans l'Ain.

La cuisine française est plus simple que ce que les gens pensent. C'est une question d'amour et de passion pour ce que l'on fait. Il faut de bons ingrédients et des idées

À n'en pas douter, James reste un bon chef, pas seulement derrière son comptoir. « La cuisine française est plus simple que ce que les gens pensent », assure-t-il, « c'est une question d'amour et de passion pour ce que l'on fait. Il faut de bons ingrédients et des idées. En France, nous sommes gâtés de ce côté-là. » D'amour et de passion, il n'en manque pas dans son travail. Mais le Stéphanois d'adoption, à l'opinion très positive d'une scène musicale stéphanoise qu'il soutient, estime qu'il sera bientôt temps pour lui de passer à autre chose. « J'aurai bientôt 62 ans et je ne me vois pas après 64 ans encore ici. Depuis l'année dernière, j'essaie de réduire le nombre de concerts et d'envisager la suite ailleurs. » Affaire à suivre donc. Mais pas d'inquiétudes, il reste encore un peu de temps afin de profiter de ce lieu unique et de son patron, puisque des concerts sont d'ores et déjà programmés en 2017. Keep on Rockin' James !

James en quelques dates :

1954 : naissance au Texas où il passera les quatre premières années de sa vie

1978 : jeune diplômé californien, il prend son sac et part en Amérique du Sud et en Asie puis revient quelques années plus tard à Seattle

1989/1990 : il arrive à Montpellier et travaille dans la plus vieille pizzeria de Montpellier

1990 : il repart aux États-Unis et monte deux restaurants dont un étoilé à San Francisco et un autre à Seattle. Il est sommelier et affine son goût pour le vin

1996 : il revient à Saint-Étienne, ville de laquelle est originaire son ex-femme

1998/2004 : il travaille au pub Le Saint-Patrick, rue des Martyrs de Vingré

2005 à aujourd'hui : dirigeant du Thunderbird Lounge

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