Péril en la mémoire

Rencontre avec Patrick De Oliveira et Richard Gratas à propos du spectacle de danse "Le dernier qui s’en souvienne", créé pour la seconde édition du festival Trax. Niko Rodamel

La compagnie de danse Dyptik donnait naissance l’an passé au festival Trax, dont la seconde édition se déroulera en différents lieux de la cité stéphanoise du 1er au 7 juin 2015. Véritable passeurs d’une culture Hip-Hop ouverte et curieuse, généreusement encouragés par la mise à disposition toute récente de nouveaux locaux sur la colline de la Cotonne, les fondateurs Souhail Marchiche et Mehdi Meghari continuent à bâtir des passerelles entre pratiques amateurs et professionnelles à travers divers projets d’actions culturelles et autres événements. Au programme de Trax saison 2 : street show, battles, masterclass, projections, le concours de show Dyptik contest et le prix Trajectoires qui permettra à la compagnie ayant remporté le grand concours chorégraphique de bénéficier d’un soutien précieux à la création et à la production, avec à la clé trois semaines de résidence ainsi qu’une programmation dans deux festivals.

Des créations fraîches

Trax c’est aussi l’occasion de découvrir à Saint-Étienne des créations toutes fraîches parmi lesquelles Le dernier qui s’en souvienne, un spectacle «maison» imaginé par Patrick De Oliveira et Richard Gratas, respectivement créateur son et créateur lumière-vidéo au sein de la compagnie Dyptik. Patrick est également musicien et Richard assure la direction technique des nouveaux studios. Tous deux viennent du théâtre et sont arrivés à la danse par coup de cœur. «Nous travaillons depuis un certain temps pour les autres, nous avions donc naturellement envie de réaliser notre propre spectacle et de pouvoir parler de choses qui nous tiennent à cœur. En passant de l’autre côté de la barrière, nous découvrons tout le challenge que représente le fait de gérer un projet et une équipe de A à Z. Souhail et Mehdi nous ont donné carte blanche et la possibilité de pouvoir utiliser librement les nouveaux moyens techniques de la compagnie, c’est une chance

Patrick De Oliveira et Richard Gratas ont bâti ensemble une dramaturgie autour de la mémoire qui se dissipe, devient incohérente et finit inéluctablement par s’effacer pour disparaître à jamais. Les deux complices ont confié l’adaptation chorégraphique de leur propos à la danseuse contemporaine Fanny Sage. «Fanny est une danseuse contemporaine mais avec une palette très large, capable de réelles propositions d’interprétation. Elle développe une danse atypique bien à elle, une danse qu’on pourrait qualifier d’hybride. Elle est vraiment étonnante. Pour Le dernier qui s’en souvienne, on a fixé ensemble des sortes de rendez-vous qui marquent le cheminement du spectacle en plusieurs étapes, mais entre deux repères Fanny garde un espace d’improvisation car tout n’est pas écrit, c’est du spectacle vivant ! Nous n’avons d’ailleurs eu qu’une petite semaine de travail en résidence tous ensemble, c’était en mars dernier. C’est court, mais on est arrivé collectivement à quelque chose d’abouti

Mémoire vacillante

«Nous sommes partis du postulat suivant : nous vivons dans une société où nous avons tous plus ou moins envie d’exister ou de laisser une trace. Pourtant, au-delà de la mort physique il y a aussi une vraie disparation, totale cette fois-ci, qui s’opère avec le temps dans la mémoire des gens. Il suffit d’ouvrir un album de famille : à partir de deux ou trois générations en arrière on y trouve des visages dont on ne sait plus rien. Leur souvenir s’est délité jusqu’à s’effacer. La trace que l’on laisse dans la mémoire des autres disparaît avec eux.» Le dernier qui s’en souvienne traite donc du souvenir et de sa fragilité. C’est un travail ambitieux pour lequel Fanny Sage, seule sur scène, se débat dans le faisceau d’un vidéo-projecteur installé à l’aplomb de l’espace scénique, incarnant son propre oubli comme une entité autonome. Dernier souvenir qu'il reste d'elle, elle est dans la mémoire vacillante du dernier qui s'en souvienne. Confinée à l’intérieur d’un rectangle de lumière bleue que des images mouvantes vont traverser de façon fluide et aléatoire, la danseuse va lutter contre cette inévitable disparition jusqu’à son acceptation. Il s’agit bien ici d’une création collective pour un solo de danse qui durera un peu moins d’une demi-heure. Maïlys De Oliveira (l’épouse de Patrick) a participé à la scénographie et a notamment créé le costume de Fanny. Patrick et Olivier sont d’accord : «Cette première expérience nous donne vraiment envie de continuer à travailler ensemble sur d’autres projets, peut-être au sein d’une sous-structure de Dyptik, une autre branche de l’arbre, mais rien n’est encore arrêté.» Le dernier qui s’en souvienne sera donné lors d’une soirée en «plateau partagé» avec le spectacle J’arrive de la compagnie De Fakto. Niko Rodamel

Le dernier qui s’en souvienne, le 4 juin 2015 à 20h30, Maison de l’Université à Saint-Étienne, dans le cadre du festival Trax

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