Remué

Le rocker chauve revient jouer les mousquetaires de la chanson et s'affirme en magistral maestro de la scène. À l'occasion de sa future venue à la MC2, chronique d'un concert de l'artiste. Nikita MALLIARAKIS


Chanteur post-punk à texte, héritier de la new wave, dandy underground : les qualificatifs attrape-tout ne manquent pas pour tenter de définir Dominique A. Mais sans doute passe-t-on à côté de ce qui compte le plus : il est un artiste de très grand talent. Physique robuste d'aventurier solitaire, solidement campé sur scène, Dominique A prend possession de la salle comme un matador de l'arène. Sa présence physique, à mi-chemin entre le Méta-Baron de Moebius et un cow-boy fringant à la fausse nonchalance, lui permet de se faufiler avec aisance entre la mélancolie de certains morceaux et des purs moments de rage rock.

Dominique A est avant tout un fier-à-bras des salles de concerts, affirmant crânement sa puissance musicale comme d'autres jouent des muscles. Maître du jeu, accompagné d'une équipe de musiciens au diapason de sa maîtrise technique sans faille il chaloupe sur scène comme un capitaine sur le pont d'un navire en pleine tempête, entre en véritable frénésie, puis s'apaise brusquement, dégageant une énergie à la limite de la violence pour se montrer ensuite d'une surprenante tendresse.

Zig-zag music

Le chanteur multiplie les clins d'œil au public, se fait gentiment prier pour reprendre des standards et des tubes, prend délibérément les demandes à contre-pied pour mieux les satisfaire ensuite : «Ha, vous voulez cette chanson ? Tant pis, vous en aurez une autre. Vous voulez un morceau qui bouge ? Allez, hop, un peu de mélancolie !», allant même jusqu'à taquiner un peu les spectateurs, qui lui tendent de sacrée perches avant de se lancer avec fougue dans une reprise de certains de ses succès comme Le Courage des oiseaux.

Le spectacle est fait d'une série de changements de ton aussi paradoxaux que l'artiste lui-même : on passe d'une ballade sombre et aérienne à une frénésie à faire pâlir Noir Désir, d'un solo délicat et vibrant à un bombardement sonore d'une puissance militaire. A force de ruptures de ton, la prestation finit par ressembler à un fascinant patchwork musical, puissant comme une symphonie composée de vagues déferlantes. On oublie le cliché du chanteur “lancé par les Inrockuptibles” - étiquette devenue à la longue quelque peu embarrassante face aux accusation de “boboïsme” – pour apprécier à sa juste valeur l'univers artistique d'un pur et dur. Dominique A chante la solitude, la rencontre amoureuse et les souvenirs enfuis, dans une sombre et envoûtante nuée musicale ; mais l'humour et la dérision ne sont jamais loin chez un chanteur qui n'hésite pas à se moquer de lui-même («Et voilà, encore une chanson triste, tant pis pour vous») avant de reprendre de plus belle un voyage musical qu'on le prierait presque de ne pas interrompre. On sort du concert enthousiasmé, avec l'étrange impression d'avoir retrouvé sur scène un ami imprévisible mais au cœur tendre et authentique.

Dominique A, le 8 février à 19h30, à l'Auditorium de la MC2


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