Foisonnement d'invisibles

urbain / À l'occasion de la parution de la 3è revue Local.Contemporain "Ville Invisible" qui propose des éclairages pertinents sur les divers Invisibles dans notre cité, rappelons le projet rigoureusement original de son concepteur, Laboratoire. SD


À l'origine, «Laboratoire a été créé par appétit pour l'espace urbain», explique Philippe Mouillon, l'un des fondateurs. Appétit qui fait émerger un projet intelligent et novateur, dont l'objectif est de s'interroger sur notre cité, d'y porter un regard curieux, d'y observer les mutations, les mouvements. Mais parce que Laboratoire souhaite transmettre au plus grand nombre les fruits de ses réflexions, trouvailles, travaux, le vecteur pour «toucher l'homme de la rue" sera les installations urbaines. La ville devient donc leur médium, «comme un sculpteur travaillerait le marbre», et Laboratoire est accolé d'un sous-titre opportun "sculpture urbaine". Au fil des années, chercheurs, scientifiques, intellectuels, artistes, architectes, critique d'Art du monde entier réfléchissant à l'urbain, ou étant inspirés par l'espace de la rue, collaborent avec Laboratoire. Leurs projets stimulants attirent très vite l'attention. Mais c'est surtout à l'étranger qu'ils trouvent un écho, où bon nombre de leurs projets voient le jour, notamment au Brésil, Canada, Afrique du sud. En 2002, s'enclenche le retour sur Grenoble : «on s'est dit qu'il serait nécessaire de se recentrer sur la réalité locale afin d'obtenir une analyse plus fine de la ville», explique Philippe Mouillon. En 2004, Maryvonne Arnaud, plasticienne membre de Laboratoire, lance un appel à la population : les grenoblois envoient les clichés de leurs plus beaux dimanches, photos exposées dans la ville et au Musée de Grenoble, une exposition reprise en septembre dernier par la ville de Cologne. L'installation est doublée de la revue Local.contemporain, celle-ci «permettant d'expliquer le projet aux gens pour mieux le comprendre avant de voir l'installation dans l'espace urbain», explique Henry Torgue membre de Laboratoire. La revue devient leur manifeste. 2007, l'odyssée de la stationCette année, Laboratoire a orienté ses réflexions sur Les Invisibles dans la ville. Mais qui sont-ils, ces Invisibles? Personnes oubliées. Bâtiments engloutis. Recouverts. Individus cachés. Technologies impalpables. Étrangers. Et autres sujets insoupçonnés. Par les regards d'artistes, intellectuels, écrivains, au total, une vingtaine de points de vue, ceux-ci tentent de rendre visible l'opaque. L'on trouve notamment des travaux touchants de Maryvonne Arnaud sur les abattoirs de Grenoble ou les services de fin de vie à l'Hôpital. Des interviews d'étrangers installés ici. Des prises de vue d'Aneta Grzeszkowska et Jan Smaga d'un plan d'appartement révélant l'intimité, la nudité de chacun et de chaque chose. Comme le veut la démarche de Laboratoire, à la revue s'additionne l'installation dans l'espace urbain. Celle-ci aura lieu courant mars. Dans un bâtiment abandonné, une station service du centre-ville, seront installés différents dispositifs à sentir, toucher, écouter, sollicitant les sens les moins utilisés dans notre vie quotidienne afin de découvrir «les négligés de l'urbanité». Le cycle "Ville invisible" sera alors complet. Pourra débuter Précaire(s), cycle prévu pour 2008, et qui s'étendra au-delà de Grenoble. En s'interrogeant sur les difficultés cruelles mais aussi les dynamiques que génèrent la précarité, Laboratoire explorera ce phénomène dans les villes de Cologne, Milan, Lodz et Sarajevo, chacune connaissant ou ayant connu des grandes périodes de précarité.Revue Local.contemporain "Ville invisible"en vente en librairie dans toute la France


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