Affabulations

Expo / La nouvelle exposition du musée de Grenoble s'attache à retrouver un rapport plus spontané aux œuvres d'art, en tentant de se libérer de son habituelle approche scientifique et critique. Avec Curieux ?, Guy Tosatto propose en effet au public de porter un regard libre sur la création contemporaine. Vincent Verlé


Cela donne une succession de pièces qui pointent toutes à leur manière le grand écart entre le monde tel qu'il se constitue et les aspirations des hommes. Cela donne un parcours chapitré, où s'élabore un dialogue entre artistes de générations et d'horizons divers autour de grandes thématiques, rythmées par quelques citations.De l'objet L'exposition s'ouvre donc sur l'un des grands questionnements dans l'art depuis les ready-made de Duchamps : la place de l'objet dans la création artistique. Rullier, Bossut, Scallan ou Bertrand Lavier y apportent chacun des réponses différentes, mais qui jouent toutes sur le vrai/faux, interrogeant ainsi la perception que l'on peut avoir de ces objets. A ce petit jeu, c'est peut-être Vilmouth qui s'en sort le mieux avec son Odysée qui transfigure les objets tout en garantissant leur identification. C'est aussi avec lui que s'effectue le basculement dans l'étrange, qui va alors nous mener à abandonner peu à peu notre posture critique afin de mieux nous laisser subjuguer par le merveilleux des œuvres exposées. Les salles suivantes vont nous faire quitter les interrogations de l'objet manufacturé pour une nature re-mystifiée avec l'eau et les pluies de Patrick Tosani, le troublant Aquarium de David Mach, la poétique forêt de Basserode ou celle plus tranquille de Xavier Veilhan. Puis l'on repart vers une interaction plus ou moins poétique, plus ou moins ironique de l'homme, de l'objet et de la nature avec l'intrigante vidéo de Pipilotti Rist ou les très belles photos de Bernard Faucon. Une sorte de dernière fête irréelle qui voit Douglas Gordon chanter un best-of de Lou Reed, avant que le corps ne s'effondre face à la nature, puis face à lui-même.De l'homme L'on se pose en effet la question de la nature de l'homme en voyant les fragments de corps photographiés de Coplans face à celui de l'animal mort de Poitevin, ou face aux Olgas de Sigmar Polke, série de photographies du paysage sexué des lointaines terres australes. On s'interroge sur ses identités en voyant les jeux de travestissements de Michel Journiac dans son Hommage à Freud ou le questionnement plus violent de Gina Pane. La continuité entre les Dos de Magdalena Abakanowicz et les Thanatophanies d'On Kawara nous refait basculer dans une impression étrange face à des œuvres qui nous renvoient à nos troubles les plus profonds. On quitte alors le jeu du paraître, pour celui de l'être. Joe Scalan et Alain Séchas l'ont bien compris en nous plaçant face à nous-même avec une dernière série d'œuvres placées sous le signe des vanités, épilogue d'une exposition que symbolise la dernière pièce de Wang Du : la curiosité des œuvres interroge notre propre curiosité. Mais sommes-nous prêts à nous laisser faire ? Pas si sûr lorsque l'on croise les réalisations de certains artistes, dont le curieux regard sur le monde semble quand même bien loin du nôtre.Curieux ? jusqu'au 2 octobre au Musée de Grenoble


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La subversion avec le sourire